jeudi 9 juillet 2015

{En arrière-plan, étude de J. M. Barrie par Brian Garofolin. J'ai des « baggy eyes », à l'instar de Sir James ! }

{Détail d'une photographie glanée sur le net. Source : ici.}


Je dédie ce billet à ceux qui m'ont toujours témoigné de la tendresse dans les épreuves, alors même que je n'étais guère disponible pour eux – notamment à Anne D., à Jean-Christophe B. et Jean-Pierre B. ! Reconnaissance éternelle. Merci également à mes amis intimes et surtout à ma famille : je suis chanceuse de vous connaître, de faire partie de votre vie. Je vous aime.

***

L'un des premiers titres de mon adaptation du roman de Barrie était L'histoire de Timothy White, puis vint Peter Pan et Timothy White. Les autres titres, je les aimais beaucoup moins, ils sentaient déjà le compromis et la peur de ne pas être comprise... C'est toujours mauvais signe... Le personnage principal de cette pièce n'était certes pas Peter Pan, que ce soit le premier (in The Little White Bird) ou le second du nom (la pièce, Peter Pan or The Boy Who Would Not Grow Up, ou le roman, Peter and Wendy), l'un étant comme l'esprit ou une extrapolation de l'autre selon moi, 



{The Pipes of Pan, Clarence H. White}


{The Beautiful is Fled, Charles Sims} 

mais bel et bien Timothy, l'enfant rêvé, l'enfant-phylactère du Capitaine W—. L'enfant blanc était l'enfant-oiseau, sorti d'un œuf non fécondé par le Temps. 





 {Source qui m'est inconnue.}


De Peter Pan, je n'ai jamais vraiment eu le souci, je dois l'avouer, parce qu'il m'a toujours semblé qu'il cachait, de son ombre taillée dans une peau morte ou faite d'ailes brisées, le secret de l'histoire, en attirant tous les regards vers lui. Peter Pan nous rend aveugles, malgré lui. Barrie se montre habile dans l'art de la diversion. Quelque chose se tramait en arrière-plan, je le sentais ; de même, le Capitaine W— pinçait les cordes de la grande harpe du Temps et jouait autant du conditionnel passé que du présent ou du futur antérieur, emmêlant les fils du récit, pour mettre prendre dans son licol le lecteur – par nature, toujours naïf. C'était lui et Timothy, qui menaient la danse, entourés d'une farandole d'enfants aux visages pâles – magnifique procession funèbre ou danse macabre, parmi lesquels Peter Pan, un peu en retrait pour mieux nous atteindre. Timothy, l'enfant blanc et Peter, l'enfant contrasté, fils difforme et orphelin de Chronos et d'Aiôn ; oui, ces deux-là formaient un duo à distance. Timothy, l'enfant de l'unique Jamais, et Peter – peut-être le rejeton (la fleur) du Jamais et du Jamais-Plus. 
Timothy, l'enfant du Capitaine W— ; Peter, l'enfant d'un Barrie confondu avec sa persona ; et pour finir David, l'enfant de chair et de sang, qui donne la main à ces (ses ?) deux eidôla, voilà une trinité parfaite : l'imaginaire, le symbolique et le réel. Le Capitaine W—, Barrie et Pilkington étaient une autre trinité – un nœud gordien. Ce qui correspond exactement aux trois niveaux d’un texte, qu’il soit théâtral ou romanesque – voire qu'il relève de l'essai philosophique... 

Hypoderme, derme et épiderme... 

Barrie est platonicien... «... because the good is the beautiful...» Saint Augustin dit la même chose. Et le beau, selon moi, est porté par l'image. 

L'image est l'entrée du Jardin, quel que soit le symbole dissimulé dans ce mot.


{Entrance to the Garden, Clarence H. White}


{Entrance to The Lawns, SwindonWilliam Hooper}


Je travaille toujours à partir d'images, collectées principalement sur Tumblr, Pinterest, Flickr... Cela commence par désœuvrement ou impossibilité d'écrire et cela se termine en pages salies – d'encre ou de larmes. Je recueille ces photographies dans des herbiers virtuels, les imprime parfois sur papier glacé et les colle dans des cahiers à spirale. Chaque image est une étape sur un chemin qui me conduit à la suivante. Il y a une progression autant psychologique, relevant de l'humeur, d'un état d'esprit volatil ou d'une complexion, qu'issue d'une forme de réflexion. En moi, ce sont toujours des images qui provoquent les mots.

Voici quelques-uns des clichés qui m'ont permis d'écrire l'adaptation et une partie de ma biographie en cours de Barrie :

{James Jarché}
{Source qui m'est inconnue.}

{Source : ici.}

{Source : ici.}

{James Jarché, «Dance Group Figure Study», pour le Daily Herald.}

Je n'ai jamais pu imaginer les enfants des Limbes, les petits oiseaux blancs, autrement que sous la forme de silhouettes dansantes, raffinées –  de gracieuses flammèches. 

Le soleil, le feu et les ombres...

Le chapitre XVI (nombre ô combien symbolique) du Petit Oiseau blanc, nommé « La Dédicace », où est exposée la philosophie barrienne de l'Ombre et de la Substance, ne laissait aucun doute sur l'intention platonicienne de Barrie. Tout cela était cousu de fil ou de fils blanc(s). J'avais en tête une scénographie très tranchée, en noir, gris et blanc (l'intériorité de l'esprit du narrateur dans lequel on devait pénétrer), éclaboussée, ici et là, de couleur (les Jardins, tout ce qui devait incarner l'extériorité),  et une idée assez précise de la manière dont il fallait occuper la scène, imaginant aussi bien les lumières que les costumes. J'ai cru longtemps en un projet, que j'ai ensuite dénoncé, puisqu'il trahissait, dans les détails (on sait que le diable s'y loge), ce que je voulais dire de Barrie et de son oeuvre et ce que je pense, honnêtement, être d'abord le propos de Jamie. 

Selon moi, le théâtre,  mais cela est valable pour tout art, est une affaire de vision et de morale. La morale découlant de la vision que l'on doit servir, construire, sans trembler, mais la précédant aussi. 

Porter le deuil de ceux qui ne sont pas... et ne seront jamais ; porter le deuil du Jamais. Au conditionnel passé. Lui donner, peut-être, une existence au vieux mode optatif grec. Voilà une idée assez barrienne de mon point de vue, et l'amorce, avec d'autres pensées plus personnelles liées à mon enfance, de mon adaptation théâtrale du Petit Oiseau blancJe tirai par les pieds le Peter Pan de Barrie des Limbes de l'inconscient, des Limbes de mon catholicisme, des Limbes de textes secrets ou inconnus de Barrie... Et, par une assez extraordinaire concordance de vues et de voix, j'entrelaçai Pontalis, que je lis depuis longtemps, et Barrie. Ce fut le début de ma vision enfin solidifiée, celle sur laquelle repose l'adaptation en question et les livres, personnels cette fois, à venir, dont je vous parlerai un autre jour...



Il y a une correspondance très intéressante entre Barrie et lui en ce qui concerne le thème de l'enfant mort (ou plus exactement ce que, moi, je nomme « l'enfant blanc », à savoir le non-né, le fils du Jamais, le « même-pas-virtuel », celui dont l'existence est négative). Les premières pages de l'autobiographie de Nabokov, Speak, Memory, 


illustrent aussi cette idée. L'auteur de Lolita explique qu'enfant, songeant qu'il y eut un temps où il n'existait pas, en regardant des vieux films de famille, y apercevant sa mère qui l'attendait, il aurait aimé que l'on portât le deuil de lui – oui, lui, l'enfant non encore venu. 


J'ai planté dans mon imaginaire (et le processus est encore en marche à ce jour) les germes des Limbes et, au moment, où je traversais ce non-lieu, je lus ce livre de Pontalis (auteur toujours cher au cœur et important pour l'esprit – les miens en tout cas)... 

« Horizon illimité de l'enfant des limbes ! Je le vois porté par l'eau calme d'une rivière ou d'un bras de mer, flottant doucement entre le sommeil et l'éveil. Il n'a pas connu la succession des jours, des saisons ni des siècles, il n'a pas d'âge ou il les a tous. Aucun nom ne lui a été donné, il est l'enfant sans nom. Dépourvu de parents, est-il même vrai qu'il puisse être qualifié d'enfant ? Il n'a pas l'usage de la parole mais, resté sans voix, voué au silence, il entend toutes les musiques. Sans doute ne voit-il pas mais il est plus voyant que nous, tout comme cet aveugle-né d'une nouvelle que j'ai lue hier soir avant de me transformer à mon tour en voyant quand j'aurai les yeux clos. Il n'a pas d'histoire, ignorant tout de son passé et de son futur. Il ne connaît que son présent qui l'ouvre à tout ce qu'il n'est pas mais pourrait être : il est cheval sauvage et chat dormeur, arbre et oiseau, tous les oiseaux sauf les prédateurs, brin d'herbe des prés et navire, lac de montagne et chemin creux, océan et nuage, le vent, la pluie, la neige, poisson volant, prince et vagabond, caillou et fleur et même caillou-fleur. Parfois il s'octroie le privilège, lui qui ne peut pas dire "moi", l'immense bonheur de n'être rien.
Aucune forme ne lui est étrangère puisque le temps ne lui a pas été accordé d'en acquérir une sur notre terre. Il peut même n'en prendre aucune, préférant n'être qu'un entrelacement de lignes, une tache d'encre, ruban de couleurs, ondulations de sable.
Je lui prête le pouvoir, à ce délaissé des humains, à ce méconnu de Dieu à qui la douceur et le malheur de vivre ont été refusés, de se créer indéfiniment. Je l'imagine, cette petite chose immobile, sous les traits d'un grand migrateur. Je le veux plus libre, plus innocemment délirant que je ne le serai jamais. A-t-il été expulsé de la vie ou est-ce lui qui en a pris congé ? »






{Hélas, je ne connais pas la provenance de cette image qui résume si bien certaine idée barrienne.}

Peter et Timothy sont de l'espèce « enfant blanc », même si Peter a un peu plus d'existence que Timothy, car Barrie lui donne vie en le projetant hors de lui, tandis que Timothy lui demeure prisonnier du secret du cœur et de l'esprit du narrateur. Timothy ne sort pas de la boîte qui sert de cœur au narrateur. Le Capitaine W— le fait parler, mais  Timothy, en vérité, ne s'exprime jamais ; et, dans ma pièce, j'ai outrepassé ce silence. Peter, lui, parle trop, mais il est «ventriloqué » par Barrie. Il n'a peut-être rien dans le ventre... Et, même si Peter est l'enfant qui ne vient pas, il est tout de même venu... Tandis que Timothy, lui, est l'enfant attendu toute une vie, définitivement en vain.

C'est cette relation Timothy/Peter, l'enfant non-né/l'enfant qui aurait pu naître (il y a, là, une nuance) qui est au cœur du Petit Oiseau blanc. Peter est l'enfant abandonné, rejeté, mais symboliquement. L'enfant mal rêvé ou l'enfant, par exemple, d'une fausse-couche... Timothy, lui, possède la perfection du conditionnel passé.

David, lui, est d'une autre espèce, il est un « enfant de la nature » (ainsi qu'il est dit dans le texte), un enfant né, de chair et de sang, tandis que les deux autres sont des enfants des Limbes, mais pas tout à fait des mêmes Limbes. 

Qu'est-ce que le Jamais ? demandez-vous.

Voici venir l'enfant !
Voici venir le Jamais ! 
L'un ne va jamais sans l'autre. 
L'enfant est toujours un Jamais.

Cela, j'y songe aujourd'hui, sonne comme un écho à cette traduction (un peu inexacte) de Sophocle (Œdipe Roi), évoquée à la fin de Trois souvenirs de ma jeunesse du grand Arnaud Desplechin : 



"Enfants, où êtes-vous désormais?"


{David Hurn}


Mon adaptation était une réponse à cette question : nulle part ; et nulle part est plus vrai qu'ici ou là. Il s'agissait de définir ce non-lieu plus réel que le réel.

Et la toute première image qui m'était venue était celle d'un enfant qui portait une horloge dans le dos. Mais j'imaginais, moi, une horloge sans aiguilles !





J'imaginais  des enfants non nés entourant Barrie et parés de la sorte :








ou encore de cette façon, un peu fantôme, un peu canaille, un tantinet déguisé :

{Willy Ronis}

Voilà ce que j'avais et ai encore en tête pour ma pièce, pour certaines scènes... Je pense à des Limbes en papier mâché... Je rêve d'une immense fenêtre mouvante. Je pense à une cage à oiseaux avec un oiseau mort à l'intérieur recouverte en partie d'un voile noir. Je pense à des ombres danseuses et dégoulinantes d'encre ou de sang noir, comme celle de Pilkington – qu'il est criminel de trop incarner et surtout de présenter littéralement en miroir avec Barrie, lequel – guerrier, en la circonstance – tenait à distance tous ses doubles... Voilà d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle je n'ai pas voulu poursuivre avec le metteur en scène cité précédemment – vous savez, Rémi Prin, le Plagiaire qui se sert toujours de mon travail pour vendre un « nouveau » spectacle. Je songe à un Barrie qui se vide de son souffle et de son encre, de son sang peut-être. Tout créateur est un Christ. Je pense à mille choses... À une sorte d'opéra... Tout cela, je l'espère, sans lâcher le sens secret de l’œuvre barrienne et en m'appuyant sur ses textes et ses inspirations connues.

Mais... L'erreur est toujours celle des concordances ratées, in fine. Dans la vraie vie et dans les interprétations... Sur scène aussi.

Barrie n'est pas le Capitaine W—, pas plus que le Capitaine W— n'est Pilkington, mais tous sont des images projetées d'une certaine psyché, voilà la raison pour laquelle je désirais trois comédiens pour ces trois rôles et un Pilkington nourri d'ombres, uniquement. Et le personnage principal était, in fine, le Livre !


{Il s'agit d'un livre de couture ! Plus d'informations ici.}


Puissé-je avoir le temps de vivre pour faire éclore tout cela. 

Grandir fait mal, parce que grandir signifie toujours mourir. Il faut s'alléger de tout, de soi d'abord, pour s'envoler. Deux est le début de la fin, comme le bonheur trop éclatant de l'instant est la certitude d'un chagrin à venir, plus violent encore. Alors l'enfant écrit déjà, très tôt, des mensonges pour l'adulte qu'il deviendra et il les dissimule dans des promesses qu'il se fait, pour plus tard, tout en sachant qu'il ne les tiendra pas (mais elles le retiennent un peu, elles — ailleurs). Et tout cela n'a pas d'importance, car tout n'est que jeu, pense-t-il.  C'est notre tragédie. Mais il y a bien pire : ne pas vivre, ne pas naître à soi et aux autres. Le véritable sens du Jamais chez Barrie est là, dans ce pinçon du regret. 
Barrie plus réaliste que fantaisiste. Eh oui !

Il faut surtout lire le chapitre IX du Petit Oiseau blanc pour comprendre ce qu’est, en substance, le réalisme pur et dur de Barrie. Le lire au premier degré, puis comme une allégorie. La jeune fille qui vit là-bas, dans la hutte, cachée par la brume, dans le bleu des cimes, tendre âme incarnant l’amour perdu et désormais inaccessible, c’est la vie secrète se montrant sans voile à la jeunesse, à la jeunesse porteuse du pain dont se nourrissent tous les enfants : le rêve, le mythe… Puis la jeunesse s’en va et nous laisse nus et naufragés. 



{Colette Saint Yves}


{Source qui m'est inconnue}

J'avais imaginé cette jeune fille ; elle devait ouvrir ma pièce, fendre l'espace de sa course éperdue, et porter dans sa main un sourire volé. Le sourire volé, c’est l’âme dérobée par le Jamais et, de ce sourire disparu, naît une Ombre en forme de livre. Et cette histoire universelle est contenue dans le mot anglais romance. La vie et l’œuvre de Barrie sont des romances et nous en sommes les héros (et les hérauts) – sans le savoir… Voilà ce que je voulais dire dans cette adaptation et il ne manquait pas grand-chose (mais cela manquait cruellement) pour que mon rêve soit épais et presque réel. 

J'ai beaucoup songé, à la suite de Barrie, à Charles Lamb. Puis à Kipling et à son extraordinaire nouvelle, They



{Traduction issue du tome III des œuvres complètes dans la Pléiade.}

Barrie admirait Kipling et la réciproque me semble vraie. Il y a comme un écho de l'un à l'autre dans ce texte. C'est flagrant. La nouvelle de Kipling est postérieure de deux ans au Petit Oiseau blanc, mais il y a un tel lien de parenté entre les deux que c'est troublant. Kipling avait perdu une petite fille de six ans (Josephine). La nouvelle de Kipling décrit une demeure dans laquelle vivent des enfants morts auprès d'une femme aveugle, sans enfants, mais au cœur maternel. Celle-ci les a attirés dans sa demeure sans que l'on sache pourquoi ; elle-même, elle ignore la raison véritable de leur venue. Elle les entend. Seuls ceux qui ont perdu un enfant peuvent les voir. Le narrateur, un beau jour, se trompe de chemin au cours d'une promenade et se retrouve face à ce manoir. Il y reviendra trois fois, avant de comprendre, avant qu'une main ne le frôle... C'est un peu le pays des enfants tombés dans l'autre monde, le monde des Limbes (qui ont des degrés), tel que je l'ai conceptualisé (le vilain mot) intérieurement, puis construit dans mon adaptation. Ces enfants-là sont des fantômes, ce sont ceux, nous dit Kipling, qui « se promènent dans le bois »...



{Traduction issue du tome III des œuvres complètes dans la Pléiade.}

Il y avait encore de la place pour mon adoré Valery Larbaud




 et pour l'extravagant et délicat Jules Supervielle. 


Et à Gide, qui, lui aussi, aimait les oiseaux... 

Ma jolie spirale creusait...
Oui, se creusait le sillon...

Je relisais certains passages de Platon et de la Bible auxquels faisait référence Barrie (quand je pense que le metteur en scène évoqué plus haut n'a jamais eu l'idée de faire l'exégèse des noms dans le roman : David, Mary, Salomon, etc. Et le cœur content de Salomon ?). Je glissais ces notes, ces sensations et interprétations diffuses dans le texte, sans le dire. Je ramifiai. Je ne fus pas comprise. Évidemment ! Comment un metteur en scène qui n'a jamais lu la Bible, qui manque cruellement de culture élémentaire, qui ne connaît goutte au grec ancien (ne rêvons pas !) et pour qui la littérature anglaise est une terra incognita aurait-il pu me comprendre ? Il n'a jamais lu une ligne de Barrie dans le texte, pas même l'admirable livre d'Andrew Birkin. Non, il ne sait que piller et « se la jouer » metteur en scène et artiste. Loin de moi l'idée de vouloir humilier autrui, même le dernier des gredins ; mais, enfin, mettre en scène, c'est effectivement aller au charbon, c'est étendre sur scène une vision que l'on a tissée millimètre par millimètre. C'est une toile que l'on tire de soi, comme la soie que sécrète la chenille pour devenir chrysalide. Ce n'est pas quelque chose que l'on vole aux autres pour, ensuite, prétendre le détenir en propre.

Je suis retournée en enfance pour lire, pour traduire, pour adapter Barrie. 
J'y ai retrouvé les croquemitaines qui volent la peau des enfants. Les croquemitaines sont des impuissants, tout comme les plagiaires : le plagiaire, à l'origine, est celui qui vole les enfants... Belle ironie, non ? Mais au plagiaire, gageons qu'il ne restera qu'une peau morte, car on ne peut s'enter sur l'Enfance (ou le talent) lorsque l'on en est dépossédé. Il ne faut jamais avoir peur des croquemitaines ou des lâches : ils ne se nourrissent que de votre doute. 




 {Source qui m'est inconnue. Les chemises de nuit des enfants des Limbes devaient symboliser des peaux. Le metteur en scène a donné à « Peter Pan » un grossier tissu éponge qui évoquait davantage, lorsqu'il était réduit à sa portion congrue, une couche-culotte qu'un vêtement fait d'éther et de soleil, à l'image de ceux qui m'inspiraient :


Su Blackwell


Ebru Sidar

Adam Fuss... }


Oui, j'ai retrouvé, au cours de mon existence et de ces connes expériences théâtrales, les croquemitaines. Ceux qui vous obligent à grandir à coups de trique. Pilkington et d'autres, bien pires, car sans autre but que la triste gloire désirée par les ventres vides. Mais j'ai appris et je suis là : au milieu d'un roman, d'une biographie, d'un essai, de traductions... Vivante et délirante de foi ! Je suis nietzchéenne, pas comédienne ni metteur en scène du talent des autres ; je suis une guerrière, pas un être de plâtre et de pacotille. Alors, merci !


{Source : ici.}

Mon Pilkington avait une canne à pêche et une toise comme attributs. Ce n'est pas M. Prin qui a inventé cela. Mais Pauline Chase qui m'a inspiré l'idée ! Eh oui... 

{Source : ici}



{James Jarché, 
Policeman Chasing Naked Boys by the Serpentine (1923)}

 {Hulton Getty Picture Collection série 1920 p 114.}

Les Enfants des Limbes ont cette chance que personne ne peut leur ôter la royauté... 
Ils sont éternels : éternellement désirés, éternellement regrettés, éternellement aimés.

{Frank Meadow Sutcliffe}

{Frank Meadow Sutcliffe}

{Source qui m'est inconnue. J'imagine Peter Pan et Mary Rose à travers cette image !}

{Source qui m'est inconnue. Peter, seul à jamais, piégé dans l'Entre-Deux, libre comme un oiseau...}

{... et le cœur pourtant content ! Source : ici. }

Et nous ? Sommes-nous réconciliés avec nous-même(s) ?

Probablement pas, mais nous sommes heureux et les mains tachées d'encre. 

À choisir entre l'amour ou la peur, pour guide, je choisirai toujours l'amour – à savoir le viscéral. J'élirai le chant qui vient du ventre, car les mères et les écrivains ont cette puissance monstrueuse, vitale, qui fait défaut aux pleutres et aux tristes sires de banlieue... 

N'oubliez pas, amis, que la vie est BELLE !

...

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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