dimanche 27 juillet 2008
Un remords violent de ne pas avoir signalé la ressortie de ce film, à Paris, ici et là en province, mais dans trop peu de salles... C'est évidemment un film essentiel consacré à un génie d'homme, à un personnage tragique, parfois pathétique, fragile jusqu'à la cassure et divin. C'est en pensant à lui que l'idée que le destin n'est que notre caractère prend tout son sens.
Cet extrait, en particulier, je choisis. Chet avait composé une berceuse à la naissance d'un fils qu'il n'a pas revu depuis... Quelle importance ? On ne devrait jamais mettre au monde des enfants. C'est un crime. On ne devrait jamais naître au monde soi-même. C'est un péché que d'exister. Mais, comme le dit Silène à Midas : "Race éphémère et misérable, enfant du hasard et de la peine, pourquoi me forces-tu à te révéler ce qu'il vaudrait mieux pour toi ne pas entendre ? Ce que tu dois préférer à tout, c'est pour toi hors d'atteinte : c'est de n'être pas né, de ne pas être, d'être néant." (Nietzsche, Naissance de la tragédie, 3 - trad. dans la coll. Bouquins) Vous voyez, tout ceci (la tremblante figure de Chet Baker et la solidité, impossible et nécessaire, de son génie) est lié, malgré les apparences, peut-être, à mon précédent billet, où j'évoquais le livre de Patrick Declerck, nietzschéen, célinien, pourfendeur de tout espoir* et, pourtant, plus vivant que la plupart d'entre nous. Justement, parce qu'il ne tient plus tant que ça à la vie. Cela n'empêche pas la révolte, n'est-ce pas ? C'est beau un homme révolté qui sait parfaitement, sans l'ombre d'un doute, que rien ne sert à rien, pas même ses mots. Son livre ne plaira pas aux valétudinaires de l'existence, qui se nourrissent comme des porcs à la religion, à la famille, à la vertu ou à n'importe quelle valeur qui ne soit pas un peu tricheuse et bigleuse.
Brisons les illusions de ce petit monde sur lequel nous sommes collés comme un insecte sur la vitre. Au-delà de cette dépossession de la forme et de la structure, nous trouverons peut-être le respect de nous-mêmes. Je n'en suis pas encore là : je crois encore en l'amour et en l'art, comme une forcenée ou une désespérée. Je suis une enfant qui joue à la marelle dans mes entre-deux. C'est pour cette raison que je ne tombe pas encore dans le vide, en sautant d'une fenêtre. Attendre. Cela finira mal, tout finit mal. *"L'espoir est la fellation de la métaphysique. Or j'avale pas. Jamais. Plutôt crever !..." (p. 202) Deux extraits de ce disque à écouter, mes préférés :
chet chet Revue critique de cet album ici.
vendredi 25 juillet 2008
Considérez qu'il s'agit ici d'une carte postale que je vous adresse collectivement, car je n'aurai pas le temps, au moins avant septembre, de vous parler de Venise ou d'autre chose. Plus qu'une carte postale, imaginez qu'il s'agit d'un pêle-mêle.
Juillet et ses douceurs sont révolus pour moi.
J'ai dit au revoir aux musiciens du Florian, que je connais pour certains, depuis des années...

Je me remets d'arrache-pied à l'édification d'un monstre de papier. Difficile, cependant, d'oublier le vent dans mes oreilles, à bord des luxueux bateaux-taxis de la Sérénissime,


le goût des bellinis au Harry's Bar où les fauteuils sont frottés par les fantômes



et la légèreté italienne. Pour me consoler, il me reste un Forsteracheté à la librairie française de Venise et le souvenir des mots écrits au Caffè Florian.




Tout a commencé un 18 juillet.
Nous avons voyagé à côté de M. Assouline (ou d'un parfait sosie), dont je n'aime guère ni les livres ni le blog - qui n'est, selon moi, que du vent et encore un petit vent qui ne mène pas loin. Cela n'avait donc rien d'un présage favorable pour moi qui n'aime pas du tout l'avion que de voyager non loin de lui. Je m'attendais à rencontrer un pirate comme à l'aéroport d'Edimbourg. Décidément, je n'ai pas eu tant de chance que ça, cette fois-ci.
En avion, je perds toute raison. J'ai besoin de signes rassurants, d'un contexte moelleux et poreux. Je n'accepte pas d'être enfermée dans ce truc et d'être livrée à la responsabilité d'étrangers.
De plus, si notre engin volant s'était écrasé, personne n'aurait parlé de notre disparition, au profit de la sienne, c'est certain. Quelle tristesse pour mon ego pointu de songer à pareilles possibilités ! Mon ami David me faisait remarquer, tristement, que les belles morts - dramatiques, romanesques - sont rares et que, vraisemblablement, je devrais me contenter d'une fin médiocre, comme tout le monde... Nous verrons cela ! Je compte d'ailleurs rédiger un guide sur les plus beaux endroits pour se suicider. Pour plus tard.

En attendant, lisez ce livre féroce, noir (lucide) et drôle, fichtrement bien écrit. Si vous ne lisez qu'un livre cette année, c'est celui-ci, mes amis !

Revoir Venise. Année après année. Mesurer des microns. Savoir qui d'elle ou de nous a changé. Se redemander en mariage, chaque année. Sentiment d'éternité. Eternel retour.
Pourtant, cette année, quelque chose était différent, c'était certain. Il ne s'agissait pas de nous.
C'est "M. Golightly" qui, le premier, l'a compris, lorsque nous nous sommes mis en quête de "pignolo" afin de nourrir les pigeons. Il n'y avait plus de vendeurs de graines et encore moins de pigeons... A peine quelques volatiles indolents et maigrichons qui ne chiaient pas dru. [Signalons au passage que, jamais, un pigeon ne m'a souillée et que, toujours, ils furent très bien élevés avec moi.]
Drôle d'époque.
Le cliché de la place San Marco est lacéré, défiguré. Cela peut vous sembler un détail. Mais depuis des siècles les pigeons ont élu domicile à Venise, il sculptent à leur manière son profil.
Les pigeons sur la place San Marco, c'est un cliché et personne n'a le droit de détruire un cliché. L'imaginaire besogneux a besoin de repères - et même l'aristocrate.
Et que l'on ne vienne pas me parler de dégradations des bâtiments. Ce ne sont que des prétextes !!! J'ai discuté avec les vénitiens de cette mesure tyrannique qui date de mars et ils ne sont pas du tout d'accord ! On ne verra bientôt plus sur les photographies qu'une place San Marco salie de touristes. J'aimais l'idée de retrouver exactement la même disposition aérienne des lieux sur les photographies traditionnelles : celle des grands-parents de mon mari, celle de ses parents, la nôtre, à Venise, entourés de pigeons, dans une pose un peu différente mais qui donnait l'impression d'une transmission et d'une prolongation.
Fini.
Les pigeons sont condamnés. Mais j'engage chaque visiteur futur à se munir d'un sachet d'au moins un kilo de graines, pour les nourrir, la nuit venue. Organisons une fronde !

L'aventure ne s'est pas achevée ici, sur une déception, par une piqûre du temps... Il y eut aussi du bruit et de la fureur...
Nous décidâmes de nous rendre à La Scuola degli Schiavoni pour y admirer des Carpaccio, dont Michel Serres a parlé avec le talent et la simplicité qui sont les siens. L'église est reconvertie, si je puis m'exprimer ainsi, en musée. Vous vous acquittez de quatre euros et vous pouvez admirer des tableaux exceptionnels. Je ne les avais encore jamais vus en douze ans de visites à Venise !
Nous arrivâmes de bonne heure, les premiers visiteurs de la journée. Une femme à l'entrée, nous jeta au visage nos tickets sans même daigner répondre à nos marques de politesse. J'ai rarement assisté à un tel comportement, à un tel manque d'égards. Nous demeurâmes une petite heure dans le lieu. Lorsque nous redescendîmes du premier étage, tout à coup, le cerbère susmentionné, la sorcière de l'entrée, m'attrapa violemment par le bras et me dit dans un italien de très basse extraction de me couvrir les épaules et les seins. Je fis mine de ne pas comprendre son italien - que je ne parle pas de toute façon, mais que, vaguement, je saisis. En anglais, avec un accent à couper au couteau (pire que le mien), elle me redit de façon très agressive cet ordre. Je lui rétorquai, dans le même idiome, que je ne le ferais pas, pour une simple raison : cette dame était aussi dénudée que moi (une robe d'été, certes remplie avec moins de générosité que la mienne, mais tout aussi décolletée et dépourvue de manches) lorsque nous étions entrés dans le lieu ! Elle était demeurée dans cet état pendant toute notre visite. Elle n'avait revêtu un châle que lorsque plusieurs visiteurs nous avaient succédé. Je lui expliquai la chose. Et elle se mit à me brutaliser, physiquement, me serrant le bras et me secouant. Je me suis dégagée sans la toucher. Je lui ai expliqué qu'aucune consigne n'indiquait la nécessité de se couvrir - ce qui est le cas, dans certaines églises de Venise et je trouve cela contestable mais... je ne vais pas dans les églises prier - et qu'il n'y avait plus de Saint Sacrement. Et quand bien même, je refuse que l'on m'impose un voilement. Nous sommes au XXIe siècle. Bordel ! Et puis je n'ai pas pour habitude d'être débraillée.
J'étais presque sur le point d'ôter ma robe devant une telle hypocrisie et une telle atteinte à ma liberté. J'en suis tout à fait capable. A la bêtise et à l'hypocrisie, j'ai souvent la faiblesse de répondre par la provocation la plus crue.
M. Golightly lui a dit qu'il était outré, car il voyait ses pieds - elle était en sandales - et qu'une bretelle de son soutien-gorge dépassait. Il s'est mis à tourner autour d'elle, goguenard, poussant des cris d'indignation devant les marques de sa nudité à demi-cachée. Son humour a désamorcé ma colère. Nous avons préféré partir, notre visite étant terminée. Je reconnais avoir été assez grossière en paroles avec elle et je n'en suis pas fière du tout - mes origines, mes origines... Toutefois, je n'ai jamais rencontré un gardien de musée qui vous dit "Fuck" et vous attaque comme un molosse. Tous les fous n'ont pas été enfermés à San Clemente - reconverti en Palace d'ailleurs... Les temps changent.

Entre-temps, je suis follement tombée amoureuse d'un tableau ("L'incantatrice"), signé d'une artiste locale, Federica Ravizza, dans une boutique mais je ne l'ai pas acheté (il m'arrive d'être raisonnable) et je le regretterai toute ma vie, je le sais. Si d'aventure elle me lisait, j'aimerais lui dire qu'elle m'a inspiré des songes magnifiques...

Je me suis consolée, au retour à Paris, en rendant visite au Louvre à un autre tableau qui me hante... J'aime beaucoup sauter d'une image à l'autre, d'ajouter un maillon à un autre, sans jamais briser la chaîne.


A bientôt.

Je vous laisse avec cet instant hors du temps, saisi à Venise, non loin de l'hôtel Bauer.


(Répétition d'une chorale, de manière impromptue. J'aime beaucoup le mouvement de jambes des fillettes.)

Et, si vous avez du temps, allez voir ce très beau film, dont je n'aurai pas le temps de parler. C'est mon amie Virginia qui l'avait signalé à mon attention et il m'a bouleversée. Il s'agit de la perte d'une enfance, d'un mue, d'un deuil qui s'oblitère et s'ouvre de nouveau sur un amour. N'oubliez pas non plus la rétrospective Douglas Sirk à la Filmothèque Quartier Latin.
Je vous quitte en soufflant quelques volutes de ce gracieux album que je vous recommande du fond du cœur.J'aime particulièrement "Ma jeunesse", "La possibilité d'une île" et "Déranger les pierres". Mélancolie râpeuse et aube radieuse d'un cœur victorieux, un peu brisé sur les bords.

(Quel est "mon premier vœu mal refermé" ? En ai-je un ? Non.)

J'avais beaucoup écouté les deux précédents albums de Carla Bruni et celui-ci est très certainement le plus abouti.
N'oubliez pas que la vie...
Prenez soin de vous.
mardi 15 juillet 2008

[Peinture de R. Wenig, qui représente Ludwig II se promenant de nuit en traîneau...]

Rétrojournal : samedi 12 juillet 2008. Nous avions prévu de terminer notre découverte par la visite du château "jumeau" de Neuschwanstein, Hohenschwangau. De ce dernier, Ludwig II connaissait tout, puisque c'est son père qui l'avait fait construire sur des ruines, tandis qu'il mourut avant que Neuschwanstein ne fût achevé. Il y a passé son enfance.
Nous aurions eu le temps de visiter le quatrième château, mais nous l'aurions fait dans une précipitation et une fatigue qui auraient tout gâché, nous avons donc décidé de revenir en Allemagne, une autre fois.
Nous sommes arrivés, ainsi que nous l'avions fait pour la visite de Neuschwanstein, à l'ouverture, afin de ne pas subir la pression des visiteurs affamés de curiosité et de culture pré-mâchée. Chose aisée, puisque nous habitons non loin.
Les allemands sont plus organisés et plus rigoureux que les français. On achète les billets en bas et on vous attribue une heure précise pour visiter, indiquée sur le ticket. Il ne s'agit donc pas de lambiner en route, pendant la montée aux châteaux (montée qui peut se faire à pied, à cheval ou... en bus - quelle horreur !). Point de clémence pour les retardataires. Ceci permet de contrôler le nombre de visiteurs par tranche horaire. Je reprocherais néanmoins la vitesse à laquelle on vous contraint lors de la visite à l'intérieur des châteaux. C'est fort dommage, car chaque pièce est d'une richesse incroyable.
Hohenschwangau possède également son charme et ses beautés, peut-être moins évidentes, car ce château paraît plus solide, plus apte à l'usage quotidien. Et pourtant... j'imagine mille choses dérobées dans cet artifice néogothique. Ludwig s'en est inspiré pour construire l'autre château.
J'ai beaucoup aimé, entre autres (mais je n'ai pas le temps de développer l'aspect pictural et culturel de l'endroit, je me limite à des anecdotes personnelles), le plafond de l'alcôve où était situé le lit que Ludwig avait fait illuminer, afin d'avoir des étoiles et la lune à regarder, lorsqu'il était allongé. Il me semble que ce détail est révélateur de son caractère, de sa complexion d'enfant génial.








La Bavière me semble une région très protégée. Les arbres sont des géants. Tout y semble pur comme au premier jour du monde.









Je vais cesser, pour le moment, ce rétrojournal, puisque l'Italie m'appelle de ses voeux - et du travail également, mais pas un travail mercenaire (épargnez-moi à jamais cette offense à ma liberté, dieux bienfaisants), un travail auquel je m'offre du fond du cœur, mais non sans heurts et douleurs.
A bientôt.
N'oubliez pas que la vie...
Samedi et dimanche, la brume s'est déchirée et a entouré d'une écharpe trouée le sommet des montagnes, mais elle a également vêtu de haillons de nuages et de lambeaux de peau céleste les deux châteaux.
J'ai songé à Friedrich (un des peintres que je préfère) et j'ai commencé à imaginer la forêt qui poussait dans ma tête, balayée par une mer de nuages. A vous donner le vertige.



Rétrojournal 5 : jeudi 10 juillet
Nous entreprenons une route qui nous fera entrevoir les paysages étonnants de l'Autriche – nous empruntons une portion de route hors de l'Allemagne- pour rejoindre le château de Linderhof 



(Cf. un des précédents billets). Plus classique (même si l'adjectif va mal au teint du souverain) dans son extérieur, peut-être, au premier regard, le château révèle en son sein l'univers du Roi, univers composé d'hommages à Louis XIV (un petit Versailles, comme le château de Herrenchiemsee, que je n'ai pas visité, mais nous y retournerons)

et à la cour française et, toujours, à Wagner (si vous vous y rendez, ne manquez pas la trop célèbre, mais à juste titre, Grotte de Vénus).
Ludwig était un bâtisseur, un homme du sédiment aussi. Il offre un univers parfait à qui sait ouvrir les yeux.
Je regrette vraiment qu'il soit interdit de filmer l'intérieur des châteaux (si j'ai du temps, je scannerai des images extraites de livres en ma possession), car ils sont aussi impressionnants et incandescents que leur extérieur. L'intérieur et l'extérieur sont en communication, en équilibre. J'aime cet univers qui ne cesse de faire référence aux vieilles légendes germaniques, qui m'emmène si loin que je me perds dans les méandres des mythes.
Univers que bien peu semblent essayer de comprendre du point de vue de son for intérieur à lui, ne sachant qu'être écrasés par ce qu'ils perçoivent comme une surabondance ou une surcharge de magnificences. Ces excès n'en sont pas pour moi. Ils sont mille éléments comme autant des petites pièces à l'intérieur desquelles quelque chose du Roi se loge - une émotion, une idée, une association d'images... -, des fenêtres par lesquelles il peut regarder le monde qu'il crée.
Des monades.
J'aime particulièrement "la chambre des glaces". Si vous vous placez entre deux grands miroirs et que vous regardez dans l'un d'eux, vous avez l'impression d'être dans la galerie des glaces de Versailles.
L'idée de sa table escamotable, dans la salle à manger, a de quoi réjouir mon âme de prestidigitatrice, ainsi que mille autres détails, telle cette incroyable collection de petits vases, pas loin de deux cents...
La grotte de Vénus est particulièrement émouvante.
J'imagine Louis sur son bateau.
Ludwig II, un roi qui est demeuré un enfant dans le sens le plus noble de ce terme, car seuls les enfants vivent véritablement, sans craindre de se blesser et de saigner.
Je m'ébroue dans la gloire de ce noble personnage de contes. J'aimerais lui rendre hommage.

Nous nous promenons dans les immenses jardins. Nous apercevons un kiosque marocain, puis une maison marocaine d'une seule pièce, que l'on peut contempler derrière une vitre, une fois la porte ouverte. Quelques paons imaginaires - un des symboles du roi, en compagnie du cygne et de l'aigle. Il y a tant à aimer qu'il faudrait des jours pour faire le tour de ce domaine enchanté.






Un léger froid vous saisit entre les côtes, lorsque vous pénétrez dans cette grotte imaginée de l'alpha à l'oméga.
Je suis désolée mais nous n'avions pas le matériel pour filmer dans cette obscurité, pourtant radieuse. Et mes photographies ne rendent aucunement hommage à cet endroit. J'emprunte donc une image à Wikipedia. La grotte a été créée pour écouter la musique de Wagner et elle évoque Tannhäuser - tout comme la salle des chanteurs à Neuschwanstein a été conçue, entre autres, pour son Parsifal. Je regrette profondément de n'avoir pas le temps , ici, de faire une analyse des oeuvres de Wagner et des liens tissés entre le génie et le Roi, non moins génial.




J'en perds mes mots d'indignation. Des touristes, dans le pire sens du terme (car nous en sommes), des français (j'ai honte), qui n'ont aucun sentiment pour Ludwig (pourquoi venir ici, dans ce cas ?) et qui se permettent, pendant la visite (obligatoirement) guidée (et minutée), de dire des inepties sur le Roi en sa demeure.


Petit regard sur les jardins...


Les jolies "extravagances" du Roi.





Non, je ne suis pas folle, pas tout à fait (hélas), mais lorsque je suis joyeuse, je l'exprime...
lundi 14 juillet 2008
Pour une raison que j'ignore, les vidéos déposées ces derniers jours sur les Roses ne sont pas visibles ou elles sont inaudibles pour certains visiteurs. Je vous suggère de tester plusieurs navigateurs, afin de résoudre cette difficulté si elle se présente chez vous. Aujourd'hui, par exemple, tout fonctionne correctement sous Internet Explorer, alors que d'ordinaire les Roses s'affichent parfaitement de préférence sous Firefox ou Safari.
C'est à y perdre son latin - ou son allemand, en l'occurrence.
D'Allemagne, j'ai ramené ce qui constitue, à mes yeux, une métaphore.
Une métaphore matérielle. Tiens, c'est intéressant !
Celle du monde que j'habite. Un symbole également qui renvoie à d'autres symboles, sans que jamais l'on ne puisse déterminer ni le début ni la fin des histoires, ni tracer de limites entre ce qui est moi et ce qui ne l'est pas. Cette boule se tient devant un gros recueil de lettres de Lewis Carroll, près d'une photographie encadrée de New York. Je la regarde émerveillée et je pense à Bergman, à Fanny et Alexandre, aux contes d'Andersen, à certains romans ou nouvelles de mon vénéré Dickens, aux morts et aux vivants de mon vécu, au passé et au futur, à l'éternité. A tout ce qu'il me reste, peut-être, à vivre.
La vie est belle. Nulle envie de crever la cloque de mystère qui la recouvre.





D'après le prénom de la mère de Louis II.
Un pont qui relie, en quelque sorte, les deux châteaux dans le ciel.



Mais il faut se rendre à ce pont et ça monte, ça monte, jusqu'aux cieux...


Mais la vue en vaut la peine :
Et puis il y a une cascade plus effrayante que celle des Brontë :
Ensuite, il est temps de repartir pour de nouvelles aventures...





[Toutes les images sont agrandissables par un simple "clic"...]

Rétrojournal 4 : mercredi 9 juillet ou la rencontre avec Neuschwanstein , le château qui a inspiré tous les fantasmes, y compris ceux de Walt Disney... et qui me fait rêver depuis si longtemps...
Une calèche tirée par deux chevaux nous amène jusqu'à un sommet. Il restera un peu de route à gravir pour atteindre l''objet de nos regards croisés.
A partir de cet instant, je ne puis rien dire. Le mot extase recouvre parfaitement la pétrification mêlée d'enthousiasme et de tristesse que je ressens. Sublime château. Une telle merveille est impossible et, pourtant, elle existe. Mon âme s'en élève. Dans le même instant, je ressens une envie de pleurer qui me prend au dépourvu : on est venu enlever le Roi ici. Il a été trahi et emmené jusqu'à la mort. On l'a dépossédé de lui-même.
Si vous avez des difficultés à visionner les vidéos sur la page, rendez-vous sur YouTube.

Neuschwanstein : montée au château dans une calèche. Nous partageons cette voiture avec des allemands.
Aperçu du chemin boisé creusé dans la montagne.
(Je suis un peu essoufflée ; je me demande combien de temps mon coeur tiendra encore...)

Rétrojournal 3 : mardi 8 juillet
Le voiturier est allé chercher notre voiture et nous sommes partis, en milieu de matinée, rejoindre le Roi Lune, tel que le nommait Apollinaire. Je fais ce voyage comme on fait un rêve auquel j'associe les gens que j'aime, bien sûr, mais, à la première place, Sophie, qui connaît Ludwig et Elisabeth mieux que moi. Ils sont ses intimes depuis longtemps. Elle mériterait davantage que moi de faire ce voyage, j'en suis consciente. Je sais également qu'un jour elle le fera. En attendant, j'ai le désir de faire ce voyage pour elle, avec elle, traçant d'elle à moi et de moi à elle les distances qu'il faudra parcourir. J'aimerais avoir mille yeux pour lui rapporter chaque détail. Je ne puis qu'être attentive et me poser dans une attitude d'oblation amicale. Sophie est une personne que j'aime inconditionnellement, un astre à moitié réel, une forme d'alter ego magnifié par des qualités que je ne possède pas et que j'admire en elle. Je mourrais d'émotion de la rencontrer. Pire que tout : j'aurais la peur extrême de la décevoir, de lui déplaire par mes manières brutales, par mon manque de tact.
Nous arrivons après plus de deux heures de route – je n'ose guère les compter, tant je redoute les trajets en voiture, qui sont une épreuve physique pour moi. De la fenêtre de notre petite suite, on aperçoit, comme il était promis, le château, au loin, qui se découpe dans un paysage presque interdit de beautés, de grandeur, de profondeur. Chaque jour, nous le contemplerons, illuminé par les couleurs variantes du soir.

Nous ne visitons pas Neuschwanstein ce jour-là, car je désire me préparer à cette rencontre. Nous nous contentons de l'approcher,


de flirter à distance avec sa majesté.
Rétrojournal : dimanche 6 juillet 2008 – Baden Baden (Brenners Hotel)

Lorsque je quitte mon « home », ce n'est jamais sans ressentir certains tourments qui sont propres, je le suppose, à ma complexion de femme-enfant, attachée à son terrier, à ce joli trou de serrure découpé sur la terre des hommes, par lequel je me faufile dans certains lieux à l’entrée invisible à la plupart. Mon mari me faisait remarquer, pendant le long trajet en voiture, qui nous amena jusque là, que j'étais une sirène des abîmes. Je vis dans les encaissés, dans les souterrains de mon royaume psychique, souvent volets fermés, ce qui a toujours interloqué, voire dérangé, les voisins ou même les amis, pourtant au faits des us et coutumes de mon royaume d'ombres. Il me demanda si j'allais pouvoir survivre à autant de lumière pendant cette semaine à passer en Allemagne (en Forêt noire, puis en Bavière). J'ai ri de cette plaisanterie, qui n'en est une que jusqu'à une certaine profondeur, qu'il connaît mieux que personne, qu'il creuse et qu'il n'effleure que de la pointe tactile de sa bienveillance extrême, ce sentiment que seul l'amour véritable sécrète sans même s'en rendre compte.
Oui, comment survivre ?
Il faut d'abord un bel endroit, propice à mes contemplations intérieures et extérieures, pour façonner mes colimaçons mentaux, avec de belles pensées presque matérielles, à mettre dans mon « chosier », et puis un lieu où je peux vivre et m'étourdir suffisamment pour ne pas penser à mon home. M'étourdir comme on le fait avec un gourdin pour assommer un moineau. Un lieu de substitution en somme, donc un hôtel. Il faut qu'il soit maternel et distant, nourricier et putain.
Ici, le Brenners, le plus bel hôtel de la ville, très certainement.
Je sais d'emblée si je serai bien où non dans un hôtel. Question d'atmosphère, équilibre entre ce qui pèse et ce qui libère. Parfois, cela ne tient qu'à l'épaisseur des moquettes ou bien à des manques si infimes qu'ils n'existent que pour moi (une faute de goût quelque part, la sensation que l'on a sacrifié à certaines petites imperfections, l'habit du voiturier ou bien celui du groom qui comporterait des faux plis). Le portier est presque insolent, en réponse à mon propre manque de tact et de classe, lorsque je remarque qu'il parle français – j'entends un solide français, propre et direct, un peu narquois sur les dernières syllabes des mots – et qu'il me rétorque : « En quoi est-ce étonnant ? Vous le parlez bien ! » J'entre dans le lieu et je sais que j'y serai bien. Les plafonds sont hauts, le décor est celui d'une fin de siècle, qui avait beaucoup de moyens. Il y a un bar cosy, avec des recoins un peu obscurs. Je pourrais aller y boire un Martini à deux heures du matin, si j'ai soif. Je ne le ferai pas : je ne bois pas - … - et je dors très bien, mais j'aime l'idée, passionnément, car telle une lampe d'Aladin que l'on frotte, elle fait surgir d'emblée un génie, une autre persona, un dédoublement de moi : une fille en violet, qui fumerait des cigarettes aussi minces que les talons trop hauts de ses chaussures, perdue dans cette ville languide, petite, compassée, mais en tous point délicieuse. Et je serais une fille tout aussi délicieuse appartenant à une ville charmante.
Mais je ne suis qu'en transit dans l'existence. Mais certaines escales ont une saveur forte, dont le goût se répandra sur d'autres moins extraordinaires.
L'endroit me fait songer à certains films de Resnais, comme L'année dernière à Marienbad.
Nous ne sommes venus ici que parce que l'endroit et plus précisément l'hôtel sont attachés à la personnalité de Louis-Ferdinand Céline, le premier écrivain qui ait autant importé pour moi et le seul devant qui j'aurais des comptes à rendre si un jour je devais publier quelque chose...
Céline est venu ici en 1944, pendant l'été, fuyant la France et ceux qui l'auraient tué, assurément. Il y est venu avec Lucette et Bébert, sans oublier La Vigue. Il s'est promené à l'endroit même où nous avons marché, cet après-midi, peu après notre arrivée : Lichtentaler Allee, un des plus beaux chemins qu'il m'ait été donné de suivre, celui qui surpique l'Oos.

Il y a de belles roseraies [Vidéos, quand j'aurai le temps, promis].

C'est une des fiertés de la ville. Les roses me ramènent à une idée, celle de l'île aux Roses de Ludwig II… Il y a mille chemins pour se retrouver dans mes labyrinthes.
Nous nous sommes promis de longue date de refaire la route d'exil de Céline, jusqu'à Sigmaringen et nous nous y tiendrons autant qu'il nous sera possible de le faire.

Il faut lire, par exemple, Nord pour avoir une description de cet hôtel, de la période, des personnages qui ont participé à cette histoire. Et puis je me moque de ceux qui ne comprennent pas Céline
Et puis maintenant j'ai envie de dormir et de faire connaissance avec cette fille en violet, qui boit des martinis rouges, au midi de sa vie, en pleine nuit.


Rétrojournal : lundi 7 juillet 2008 [vidéos dès que possible, là encore...]
Nous avons grimpé un peu sec pour aller à la rencontre de la maison de Brahms,


un petit deux pièces, où il composa ou mis le point final à certaines de ses œuvres les plus célèbres. Lieu qu'il a investi afin d'être proche de Clara.

La vie est belle, parfois, d'être si triste. Passion malheureuse mais essentielle, afin de sculpter son propre échec, peut-être. Il avait une vue magnifique [vidéo plus tard, si vous êtes patients] pour un prix modeste .



Nous avons fait ployer et émincé notre silhouette le long d'un sentier qui sentait le passé, le tilleul et la mélancolie apaisée. Les tilleuls et les saules pleureurs sont mes arbres préférés ; je pense qu'ils ont été les gardiens de mon enfance. La maison de Brahms est sur une place éponyme qui n'a guère de charme, comparée au centre de Baden Baden - qui est une jolie petite ville riche, idéale pour une convalescence, si bien que j'en suis tombée un peu malade, afin d'en expérimenter les vertus. Une ville de bord de mer sans la mer, une ville d'eau, une ville de vacances. Une ville, où les amoureux, vieux ou jeunes, se donnent la main couramment. Une ville qui aime les chiens.
La maison de Brahms est l'aboutissement d'un chemin creusé dans un mur, dirait-on. Il faut monter de rudes escaliers de pierre, frôlés par la végétation un peu sauvage, un peu hybride. On sonne et une dame vient vous ouvrir. L'entrée est si étroite qu'il faut presque sauter sur l'escalier, de suite, l'un après l'autre, de crainte d'être coincé dans l'entrée. La maison est modeste, mais certainement vivante. Le masque mortuaire de Brahms s'y trouve, des fac-similés de partitions, que j'ai trouvées assez torturées par l'écriture, difficiles à déchiffrer, pour moi en tout cas.
Je songe à mon professeur de solfège, à qui j'aimerais demander, si je l'ose, de m'enseigner aussi le piano. C'est une dame posée et extravagante dans sa vêture, une dame qui me plaît, car ses gestes sont élégants et répondent à l'étroitesse stylisée de son corps de danseuse.
La musique est ce qui m'a fait défaut toute ma vie et j'ai beau m'être mise à la leçon et au violon, elle ne sera jamais ma compagne intime, je le sais, je le regrette.
Il est temps de rentrer, de s'attarder au bar pour saisir des atmosphères un peu fanées, outrepassées, et puis on rentrera à la chambre. Les lits seront défaits en triangles isocèles,

les chaussons posés sur des tapis de lits et l'endroit bordé pour la nuit par des mains anonymes qui prennent soin de nous. Un mystérieux carnet m'accompagne partout...

Un grand hôtel a quelque chose de maternel et j’aime infiniment cela.
Ce soir, je vais rêver de lui, certaines notes en tête.

Les roses du Pays d'Hiver

Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.

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Holly Golightly
Never Never Never Land, au plus près du Paradis, with Cary Grant, France
Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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