mardi 29 mai 2007
To Jim, my American friend, dont l'esprit et le coeur sont français.


I share the thoughts that drift from this book.
Do you remember what Yeats wrote in The Trembling of the Veil? “We begin to live when we have conceived of life as tragedy.” Accordingly, I began to live very early. When I was an eight-year old girl I already knew the difference between the taste of dream life and the flavour of ruins. But, as Horace Walpole said: I also knew that “Life is a tragedy for those who feel, but a comedy to those who think.” When I think deeply I laugh and the world fades away. I am a little God when I think. Sometimes, I also feel powerful when I read the sort of books I’d like to talk about.


And now the ruins of my glorious past have the taste of dreams, good and bad ones. The distance between a lovely dream and a nightmare is only a degree of perception.

I don’t feel the same when I read in English.
I don’t feel the same when I write in English.
I think in French. I dream in English. I have regrets in German. I draw my sorrows with my Chinese brushes.
I am only sure of this: if one day I were able to write as well in English as I write in French or read in English, I would write different and better stories. My boundaries are my fears. I have no time to explore my fears in English. I hardly feel them. I am in a stream of emotions and I can’t stop them with words – I certainly have these words in the cupboards of my mind but I don’t really possess them; they are not the breath of my thinking. As if I were in a dream, I would listen to them and they wouldn’t hurt me, because I would be elsewhere, in a shelter that English words wouldn’t be able to find. I am locked in my thoughts and I don’t destroy them with words, I only listen to them. In dreams, nobody escapes the real word without paying dues. I wonder who could give me this book as a present, if not someone who knows me better than myself. But who am I? I am not a daughter because I have never had a mother and I am not a mother because I will never have a child. I am not a child and I am not a grown-up. Never will I be either of them. Quite the contrary I will ever be a child without a mother and a mother without a child. I am a twisted human being. This is always my exquisite and terrible song. I am dressed to be the widow of my everlasting childhood. “Nevermore!” The raven cawed. “Evermore!” said the person I became at last.
This probably explains why I was in the middle of something I couldn’t have words for when I read this book. I was in a boat cut into the wood (and flesh) whose that cradles and coffins are made of. By hook or by crook I shall cross the river of my existence. And do you know? Some books help us on this strange path. They are not always great books. Sometimes they are just little pretty books like this one. We hear a voice and this lullaby is just enough to blow some wind into the sails of our vessel.
Fortunately, as you can guess now, Every Day is Mother’s Day is not exactly the kind of book you expect while reading the title. But what might be the promises of this title? Mothers always suffer worse things than those they have given to others. They offer life and death tied together and they will have remorseful days. It is neither a perfect ghost story, unless you consider that all our failures could be the only phantoms that haunt us till our death.
One of the characters says: "I hardly like to explore my own mind (…) I think I imagine things. I hope I imagine them. There are connections I make between events in my life, between people, and I hope they're not real connections. I tell myself it would be too much coincidence. But coincidence is what holds our lives together. That's why you always get it in books." And there is nothing than coincidence, except if you think that coincidences hide a meaning...


***

Voici encore un billet qui me fera perdre quelques lecteurs. Je me souviens de quelqu'une qui m'avait claqué la porte au nez sous prétexte que j'avais une vision de la famille qui l'avait outrée, me soupçonnant même de ne pas penser ce que j'écrivais. Je regrette de le dire, mais je pense tout ce que j'écris, même si je n'écris pas tout ce que je pense et je me moque de gagner ou de perdre des lecteurs. Je n'écris pas pour le bien public. J'écris parce que je suis en colère et cela fait au moins trois décennies que je suis dans cet état. J'espère ne jamais sombrer dans la somnolence et de ne pas guérir de ce point de côté.

Marcel Rufo a certainement raison. Les enfants qui ont manqué de présence maternelle ou paternelle deviennent très souvent d'excellents parents. Si tant est qu'ils aient la folle envie de se fendre la poire et les gamètes. Les meilleurs parents au monde demeurent tout de même ceux qui n'ont pas d'enfants. Un petit effort et vous en conviendrez. Il y a aussi les parents imaginaires, qui s'inventent des enfants pour mieux les tuer ensuite, quand leur "crime" contre la réalité risque d'être découvert. Un bel exemple entre mes mains : Timothy, l'enfant de songe et d'arpège du Capitaine W., dans Le petit oiseau blanc. Il paraît même que cela existe dans la vie réelle...

Mais Jeanne, la Jeanne

Ne s'en soucie pas plus que de colin-tampon

Etre mère de trois poulpiquets, à quoi bon

Quand elle est mère universelle

Quand tous les enfants de la terre

De la mer et du ciel sont à elle

(Georges Brassens, un de mes auteurs préférés)


Je suis bien persuadée que l'on n'offre pas innocemment un tel livre. Il m'attendait en compagnie d'un autre spécimen littéraire, particulièrement troussé et subtil (The Country Life de Rachel Cusk,

roman hilarant et d'une grande sensibilité, à tel point que l'on a envie de serrer dans ses bras l'auteur ! ) , à mon retour d'Ecosse. Ne vous fiez pas au titre, qui est une ironie un peu aigre de plus. Il est des ironies amères et d'autres aigres. Je préfère les secondes, car elles ont davantage de tenue et durent plus longtemps en bouche et dans le gosier.

Je suis, vous le savez probablement, du genre à jubiler franc lorsque l'on décrit ainsi la maternité, comme un échec de plus, et peut-être la matrice de tous les échecs imaginables. Si un homme écrivait ceci, on dirait de lui qu'il est misogyne ; je suis donc à l'abri, derrière mon bureau, avec mes ovaires bien à leur place. Cependant, il n'y a certainement personne de plus misogyne au monde qu'une femme, tout simplement parce qu'elle a la meilleure raison au monde de l'être : un utérus. Il y a aussi tout le reste, le décorum qui accompagne cette cavité exécrable, les trompes qui jouent leur partition en arrière-plan. Louis-Ferdinand Céline parlait de tout ceci avec plus de verve que moi dans Lettres à des amies : c'est "une plaie par devant". Tous les ennuis commencent donc avec l'utérus, cette petite saloperie que l'on porte en jachère et qui se réveille un beau jour pour foutre à sac tout l'ordre que vous avez essayé, péniblement sans doute, de mettre dans votre vie.
Il y a en qui se font remplir parce qu'elles s'ennuient (je demeure polie, même si la naissance se produit plus souvent dans la merde que dans la dentelle ; cessons, par pitié, de sacraliser cette immonde boucherie), il y en d'autres qui le font par charité filiale ou matrimoniale, d'autres qui offrent cette amende honorable à la société, qui ne pourra plus ainsi tout à fait les rejeter. Parfois, il y a en a qui vêlent de bonne foi. Soyons charitables avec elles ; elles sont à plaindre car elles aimeront certainement le produit de leur ventre, en pure perte. Les plus pathétiques sont sans doute celles qui enfantent pour vaincre leur solitude, pour se donner l'illusion de retrouver leur propre enfance, alors magnifiée par une amnésie providentielle.

Il y a toujours une très mauvaise raison d'être mère et il n'y a aucun remède à la déception de l'être ensuite. Si les mères sont aussi déçues et décevantes, c'est aussi parce que les enfants le sont. Mais sur le tard.

Parfois, le hasard est prodigue et fait mentir la vérité barrienne : "Ma chère Alice, les enfants aiment toujours leur mère, qu'ils en devinent beaucoup ou peu à son sujet. C'est un instinct."
 (J. M. Barrie, Alice Sit-By-The-Fire) 

C'est à ce moment que les choses commencent à devenir intéressantes, quand l'enfant prend conscience qu'il n'aime pas sa mère, voire qu'il la hait. Il gratte ce tabou en même temps qu'il détache les croûtes sur ses genous courronnés, tout comme Louis Malle (j'y reviendrai, car je vais vous offrir un "Cycle Louis Malle") l'a fait dans Le souffle au coeur (allez voir la vidéo de L'INA en cliquant sur le lien), mais dans le sens inversé (l'inceste entre une mère et son fils, tourné en ridicule, sous la forme d'une comédie, qui en gêna plus d'un - des imbéciles, qui ne comprennent rien). On doit à cette conscience du rapport particulier - quand il ne s'agit pas d'indifférence, qui est la norme - existant entre une mère et son enfant de belles pages de la littérature. Relire Vipère au poing, l'un des seuls romans de Bazin que je prise (tous ses autres livres me paraissent vieux et périmés, construit sur un canevas trop classique et répétitif), car il parle de moi et parce que je suis égotique. Pour une fois, je me réfère à Stendhal. Parfois, de purs miracles littéraires se produisent : Proust et Barrie qui aimaient trop leur mère pour faire le deuil d'elle et vivre ailleurs que dans leur imaginaire de prose. Et l'on sait la force de cet amour presque contre-nature - même si je caractérise trop fort -, qui donna naissance à des enfants de papier plus engageants que leurs possibles doubles de chair et d'os.

A chaque fois que j'apprends qu'une de mes anciennes camarades de classe ou une de mes amies est enceinte, j'applaudis des deux mains, car je suis une mauvaise amie - cela ne m'a peinée qu'une seule fois, parce que j'estimais la dame au-delà de ces obligations naturelles, si vulgairement partagées par le commun. Mais, non, presque pas une n'y échappe. Pas même la sublime Audrey Hepburn, mais elle aussi avait les moyens de se payer des nurses. Je suis pour les nurses. L'idéal serait d'accoucher et de ne revoir qu'une ou deux fois par an son enfant, à Noël, par exemple, et le 29 février.
Sinon, le sourire aux lèvres, j'imagine la malheureuse piégée à vie dans un rôle qu'elle regrette déjà avant de l'avoir endossé. Comme si être mère était une chose naturelle et une bénédiction divine ! Voyons ! Je ne connais pas une seule mère au monde qui n'est pas un jour regretté amèrement de l'être.


A commencer par celles, qui se disent aimantes, et qui se débarrassent de leur mouflet chez une nounou. Mais non, mais non, je ne culpabilise pas le travail des femmes. Féministes de tout crin, ne me lisez pas !

A poursuivre, en traquant les vieilles mères qui ne sont plus bonnes qu'à être des grands-mères et qu'on refourgue, après usage, dans les mouroirs. Rien de tel que la piété filiale pour vous donner une juste image de la vie des êtres humains, ici-bas. J'ai trop fréquenté les vieux, dans les maisons de retraite, pour avoir envie de finir comme eux. Cf. la nouvelle
que j'avais écrite autrefois. Mon abandon sera le mien, ma mort aussi.
De digression en digression, je vous ferai presque perdre de vue le sujet de ce billet, qui est un livre où l'on se rit un peu de la maternité, mais pas uniquement. Ce livre explore avec un humour noir et pince-sans-rire notre solitude individuelle, notre totale incapacité à être avec les autres. Nous sommes, en effet, tous posés les uns à côté des autres, comme des dominos solitaires, auxquels un mouvement permet de rentrer superficiellement en contact les uns avec les autres. Mais qu'il y a-t-il au-delà de ce mouvement ? Il est question dans ce roman d'une attardée mentale (mais l'est-elle autant que cela ? On se le demande à partager ses pensées qui ne franchissent jamais le seuil de ses lèvres...) qui vit avec sa mère (une médium qui cohabite avec des fantômes que sa folie sécrète) à un âge avancé. Nous pénétrons dans les discours intérieurs, dans l'intimité de ces deux femmes, qui se parlent peu, voire pas du tout. Et voici que la fille est enceinte, sans que l'on sache comment ce phénomène est advenu, et voilà que la mère imagine une explication surnaturelle et le monstre que va enfanter sa propre progéniture. Jusqu'à le noyer, peut-être, dans l'idée qu'il est un changelain.


Pendant ce temps, un type veule et d'une tristesse absolue s'inscrit à des cours d'écriture le soir, pour éviter sa femme, qui ne cesse d'avoir des enfants, incapable de vivre autrement que dans cette procréation qui est un substitut pour pallier tous ses manques. Il rencontre une autre femme, qui s'occupe des asociaux, qui n'attend rien de la vie. Ils font faire semblant de s'aimer. Peut-être même que c'est de l'amour. Tout ceci ne peut cependant que mal finir, quand on sait la pathétique lâcheté des personnages. Ils ressemblent tellement à des gens que l'on connaît...

Bizarrement, malgré un ton que d'aucuns pourraient qualifier de "dérangeant", le roman est d'une drôlerie incroyable et vous vous dira à l'oreille droite des choses qu'ils adoucira dans l'oreille gauche.



Tout est foutu.

Et pourtant...

Nous faisons "un dernier voeu en sautant de la fenêtre" (comme le chuchote si doucement, avec un semblant d'innocence véritable, Keren Ann).



Dans ma bibliothèque demeurent deux livres de l'auteur, une suite à celui-ci
et cet autre
dont le titre me promet mille choses.



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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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