jeudi 9 février 2006

J’ai revu, hier, ce grand film d’Hitchcock,
un des quatre films que le maître a tournés avec James Stewart.

Ce film est très célèbre, entre autres, parce qu’il est censé être constitué d’un seul plan continu. Bien que ce ne soit pas tout à fait le cas, Hitch a accompli un prodige réel en n’usant que de neuf plans coupés (on en aperçoit cinq très facilement : des gros plans sur le dos d’un des acteurs et sur le fameux coffre reconverti en cercueil – procédé grossier, car les raccords sont trop visibles). Toute l’équipe souffrit beaucoup afin de relever le défi. Les acteurs répétaient un jour et tournaient le lendemain. Certains dirent que seules les caméras avaient droit aux répétitions.
Hitchcock réinitiera une épreuve technique d’un autre genre avec Le crime était presque parfait. Ce film sera tourné en 3 D, avec un système de caméras binoculaire. Hitchcock utilise alors la profondeur pour composer l'image. Il use et abuse également de la plongée ou de la contre-plongée et, à certains moments clefs, il utilise toute la puissance du procédé pour mettre en valeur la fameuse clef et la paire de ciseaux. Pour réaliser en 3D, le plan serré où le doigt de Ray Milland compose le numéro de téléphone, Hitchcock se servit d’un téléphone géant et un faux doigt. On a pu admirer certains des objets, acteurs des films du Maître, lors d’une exposition et d’une rétrospective, à Beaubourg, il y a quelques années.
Cet été-là loge parmi les plus beaux étés dans ma mémoire-bibliothèque-à-souvenirs. Je me souviens – ceci est une digression – d’une jeune fille brune, aux cheveux courts, qui se déplaçait dans un fauteuil roulant, et dont le visage radieux m’émut. Je la retrouvai à chaque séance, puisque, comme moi, elle semblait passer ses journées à Beaubourg, pour le seul talent d’Hitchcock. J’ai eu envie de lui parler, je n’ai jamais osé. Je le regrette. Je suis persuadée que nous aurions pu avoir de jolies conversations autour des films d’Alfred. Occasion manquée.
Rope est un film qui date de 1948, de même Le secret derrière la porte de Fritz Lang. Je ne sais lequel des deux fait référence à l’autre, mais je pense qu’Hitchcock fait un appel du pied à Fritz Lang, lorsque le jeune meurtrier dit à son complice que la pièce où s’est déroulé leur forfait, et tous les objets qui la compose, devraient constituer une pièce de musée. La coïncidence est trop grande pour être fortuite.
Le scénariste d’Hitchcock
fit preuve de plus de clairvoyance que le réalisateur lorsqu’il exprime ses regrets (Cf. les bonus – ou boni, pour les latinistes – du DVD). Il aurait souhaité qu’Hitchcock ne montrât pas la scène du crime,
afin que le suspense portât sur cet élément. On notera au passage que la strangulation est le péché mignon d’Hitchcock ; il suffit de visionner ses divers films pour s’en convaincre…
Les deux jeunes gens jouent-ils ou ont-ils réellement assassiné un camarade, feignant de comprendre les théories supposées de Nietzsche ? La question, le doute eurent été profitables au film, qui aurait gagné en nervosité, en tension. En effet, au fil de mes visions de ce film, je trouve qu’il perd de la force. Il eût recueilli plus d’ambiguïté et de suspense si, au lieu de se
demander simplement quand James Stewart va confronter les deux tueurs et ouvrir le coffre, on s’était également posé la question de savoir s’il y avait réellement un cadavre dans le coffre. Dommage qu’Hitchcock eût cette faiblesse.
Il succomba à une autre. La pièce d’où est tiré le film
met en scène des homosexuels (les deux assassins et leur professeur), alors que le film tait cet état. A cause de la censure et surtout parce que personne ne voulait imaginer James Stewart dans un rôle autre que celui d’un mari fidèle. Pourtant, certaines scènes suggèrent métaphoriquement et subtilement la liaison des deux assassins. Par exemple, au début du film, après le meurtre, lorsque le plus hardi veut allumer la lumière et que l’autre préfère demeurer dans l’obscurité… Hitchcock n’est pas parvenu à gommer toutes les équivoques que le scénariste avaient semées.
Cary Grant refusa le rôle, car il craignait que l’on confondît la vie fictionnelle et la vie réelle. Il eut tort, car Cary Grant est parfait dans tous les registres, surtout ceux où l'ambigu, le
désespoir ou la noirceur règnent en maîtres. James Stewart, quant à lui, est très mal à l’aise dans ce rôle. Il s’étiole dans cette composition un peu fade. Quelque chose sonne faux à mon oreille.
Hitch, toujours malicieux, ne peut s’empêcher de faire des clins d’œil textuels au beau brun, qui déclina sa proposition (Cary Grant tournera pourtant trois films avec lui) :
Les protagonistes de ce film-ci faisant mine de ne pas se souvenir du titre du film dans lequel il officie aux côtés d’Ingrid Bergman (Notorious / Les Enchaînés) :
Hitchcock apparaît dans presque tous ses films. On appelle ce procédé un cameo. Ici, étant donné que le film est presque tourné comme une pièce de théâtre, il n’a que peu d’occasions de montrer le bout de son nez. Les plus observateurs l’apercevront ici, au début du film :
Il avait eu l’idée de signer son film, en plaçant un néon représentant son profil que le spectateur aurait pu contempler par la fenêtre de l’appartement des deux meurtriers. Mais l’idée était trop blagueuse et ne convenait pas au propos.
Dans les Miscellanées de Mister Schott, on trouve la liste de ces apparitions furtives.
On appréciera les divers niveaux de langage et l’humour extrêmement macabre et pervers dans les dialogues du Maître. De ce point de vue, le film est très rigoureux.

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