J'ai découvert le cinéma grâce à un film (Du rififi chez les hommes) de Jules Dassin et j'ai un dette envers ce cinéaste hors pair. Je ne jurais que par les livres et je découvris, soudain, qu'un film pouvait être aussi bien écrit qu'un roman !

Ce fut l'un de mes plus grands chocs.
J'ai revu, samedi, à l'Action Christine, ce chef-d'oeuvre de Dassin, Les Forbans de la nuit.
Je le perçois comme une tragédie moderne, avec tous les mécanismes de la tragédie grecque.
Nul besoin de dieux mauvais, le caractère d'un homme (Richard Widmark) suffit à l'emprisonner et à le conduire à sa fin.
Considéré, à juste titre, comme le chef-d'oeuvre de Mankiewicz, ce film fameux demeure un modèle du genre. Quel genre, au fait ? Celui des films qu'on ne saurait ou ne voudrait plus faire aujourd'hui.
Il exprime une forme de perfection à laquelle personne n'oserait s'essayer aujourd'hui.
Les temps ont changé, certes, et l'âge d'or du cinéma a déjà donné ses classiques. Parce qu'il s'agit bien de cela : du classique, tel que le définit Italo Calvino en littérature : une oeuvre à laquelle s'abreuvent les oeuvres qui lui succèdent et dont chaque lecture (ou visionnage dans le cas présent) n'épuise pas le sens, mais enrichit à nouveau notre perception de celle-ci. Les classiques sont des œuvres qui «nous servent à comprendre qui nous sommes et où nous sommes arrivés » [1] et qui suscitent « une surprise pleine de satisfaction, comme l’est toujours la découverte d’une origine, d’une relation, d’une appartenance.»[2] et surtout des oeuvres «qui, à l’instar des anciens talismans, se présentent comme un équivalent de l’univers.»[3],

Je ne dis pas qu'il est trop tard pour créer des classiques, des oeuvres qui puissent servir de modèles ou d'étalon, j'affirme simplement que notre époque n'est pas demandeuse de ce genre de perfection qu'elle peut trouver ailleurs (dans ce cinéma-là). Il existe de grands cinéastes vivants, comme Bergman, pour ne citer que celui qui est, peut-être, le plus grand. Mais la motivation du cinéma, dans son ensemble, est ailleurs : montrer le réel sans le sublimer ou en démonter les rouages, ou sans en offrir une vision "métaphysique". Dire ce qui est et / ou divertir, tel est le cinéma de la seconde moitié du XXe siècle et de ce début de siècle. Les chefs-d'oeuvre sont rares.
Bien sûr, mon propos est réducteur et, par conséquent, faux, mais il y a quelques onces de vérité néanmoins. Je ne suis pas convaincue que, dans un siècle ou deux, on retiendra de notre époque autant de films classiques que la postérité en a écumé jusqu'à la fin des années 60... Mais peut-être est-ce une illusion propre à tout temps...

All about Eve est un film parfait à mes yeux. Le ressort est simple mais fort et juste : une jeune arriviste au visage et aux manières d'ange (Anne Baxter) entre dans l'ombre d'une immense actrice, Margo Channing (Bette Davis), afin de lui voler sa lumière. Ce sera chose faite, avec l'aide du redoutable et non moins pervers Addison DeWitt (George Sanders, le sublime). La fin du film, qui est construit en cercle, nous montre une autre jeune fille qui se prête à un jeu semblable auprès de la désormais consacrée Eve Harrington.
La limite de ce film pourrait être la suivante : on nous parle du talent d'Eve, mais son génie n'est jamais mis en scène, simplement suggéré. On ne la voit pas jouer. Mais, en vérité, elle ne fait que cela : jouer. Il n'y a pas de démarcation entre la vie et le théâtre pour elle. Le monde entier est une scène et elle apparaît comme une actrice sans faille puisqu'elle parvient à convaincre tout le monde (sauf Margo Channing, qui se rend compte de sa perfidie après "la lune de miel de l'amitié") de la "vérité" qu'elle expose. Seule une grande actrice, sa rivale, peut la percer à jour. Mais, alors même qu'elle se donne à voir dans sa réalité, elle semble encore échapper à notre clairvoyance. C'est ainsi que la faiblesse potentielle du film devient sa force.

La technique de la voix off, dont est coutumier Mankiewicz (Cf, par exemple, A Letter to Three Wives ou The Barefoot Contessa), est maniée de main de maître : des personnages donnent leur vision des événements et nous passons de l'une à l'autre, sans même nous en apercevoir. Ceci nous permet une plongée dans le film, comme nous le ferions dans la conscience d'un autre être humain. L'effet, lorsque cette voix off est utilisée avec brio, est saisissant, bien que passant quasiment inaperçu. D'où sa force ! Hormis Truffaut, je ne connais pas de cinéaste qui en fasse un si bel et bon usage.

Ironies du sort :

Mankiewicz voulait Claudette Colbert pour le rôle de Margo Channing, tandis que Darryl F. Zanuck rêvait de Marlene Dietrich.
En 1970, le film a été adapté en pièce à Broadway (Applause) et Anne Baxter y joua le rôle de ... Margo Channing !
Le prix Sarah Siddons que reçoit Eve, dans le film, était une invention de Mankiewicz, mais l'ironie du sort voulut que ce prix fut ensuite créé, et Bette Davis l'obtint.
Bette Davis tomba amoureuse de son partenaire à l'écran (Gary Merrill) et se maria quelques semaines après la fin du tournage !
C'est Zanuck qui modifia le titre du film (originellement, Best performance), d'après les premiers mots prononcés par Addison DeWitt au début du film.

Au regard de tout ceci, on constatera à quel point, la fiction et la réalité se mêlent, parfois, dangereusement ...



[1] Italo Calvino, Pourquoi lire les classiques, Ed. du seuil, Paris, p. 13.
[2] Ibidem, p. 10.
[3] Ibidem, p. 11

vendredi 28 octobre 2005

J'ai acheté un nom de domaine et je vais bientôt mettre en ligne un site consacré à J.M. Barrie.
Il est temps ! Aucun site francophone n'existe !

Woody Allen en 10/18.
Je me réjouis par avance de lire ces 3 petites pièces de théâtre. Je n'ai pas encore eu le temps et le bonheur de voir son dernier film. Bientôt.

Adultère(s).
Un crime ? Un état ?
Non, les circonstances.
Il faut rire de ce qui fait pleurer.
Politesse.
mardi 25 octobre 2005

Il y a quelques années était sorti ce disque, inspiré par la prose de Paul Auster. Je l'ai ressorti des entrailles de mon bureau, par association d'idées, à cause ou grâce à l'album de sa fille, dont je parlais hier. J'avais trouvé ces sonorités un peu abstruses à l'époque - je ne suis pas musicienne et mon jugement est à fleur de peau. Peut-être que mon impression sera autre...
Où Philip Pullman discute de la Poussière, du premier couple (le couple biblique plutôt que le couple présidentiel), et du monde, parmi tous ceux qui existent, dans lequel il aimerait habiter. Il pose également la possibilité d’une histoire ayant pour thèmes des événements antérieurs à la trilogie, et bien plus encore. A : Maintenant, dites-nous quand l’idée de la Poussière vous est venue pour la première fois ? PP : Très tôt. Cette notion de matière noire – quelque chose de complètement persuasif et absolument nécessaire mais complètement mystérieux dans l’univers – a été un des points de départ. C’est un merveilleux cadeau pour un raconteur d’histoires, parce que si personne ne sait ce que c’est, vous pouvez en faire ce que vous voulez. Plutôt rapidement, j’ai trouvé également cette phrase, extraite du Paradis perdu, qui m’a donné le titre général de la trilogie : : "Unless the almighty maker them ordain / His dark materials to create more worlds." Cela me semblait s’adapter si parfaitement aux genres de choses dont je parlais que j’ai sauté dessus. Et l’idée que la Poussière devait être, dans un certain sens, le symbole de la connaissance et de la faute originelle – que les églises ont coutume de comprendre comme le péché, à savoir la désobéissance, la chose qui, en tout premier lieu, nous rend humain – me semblait trop tentante pour être ignorée ; ainsi, je les ai liées. Entre parenthèses, cette idée que le péché d’Eve était en vérité un événement chanceux fut clairement un tournant dans l’évolution de l’homme. Ils ont l’habitude de l’appeler la joie coupable : le péché joyeux. Et j’ai vu là le moment où les créatures humaines ont décidé de devenir pleinement elles-mêmes et non pas d’être les animaux domestiques ou les créatures d’un autre pouvoir. A : Aurais-je raison d’affirmer que vous vous êtes beaucoup amusé en réécrivant la Genèse pour qu’elle s’adapte à chacun de vos mots ? PP : Oh, oui ! L’histoire d’Adam et Eve dans le Jardin d’Eden et la tentation du serpent est pour moi le mythe central de ce que signifie être un humain. Ainsi, il m’apparaissait clairement, depuis le début , que c’était ce que devaient également avoir à dire A la croisée des mondes. Cela me conduirait à un jardin dans lequel quelque chose de semblable prendrait place, ou quelque chose d’analogue, de toute façon. A : Vous écrivez dans vos remerciements que vous avez une dette envers le Paradis perdu, le travail de Blake, et le Théâtre des marionnettes de Kleist, pouvez-vous nous parler de ce dernier et de son effet sur vous et la trilogie ? PP : L’essai de Kleist, qui a été écrit un an environ avant son suicide, vers 1812, parle de la conversation qu’il a eue avec un ami danseur. L’ami en question lui avait dit qu’il avait été témoin de la plus gracieuse exhibition de danse qu’il ait jamais vues – dans un théâtre de marionnette. La grâce non empruntée des marionnettes surpassait tout ce qu’un danseur pouvait produire. Ils parlent de la grâce et de la connaissance de soi, et Kleist raconte une histoire, au sujet d’un jeune homme dont la grâce et la beauté physique étaient admirées de tous. Un jour, ce jeune homme était en train de se sécher après une visite aux bains, et il remarqua – et interpella l’attention de son ami sur ce fait – qu’il était tombé inconsciemment dans la même et exacte posture que celle adoptée par une statue romaine représentant un athlète s’enlevant une épine du pied. Toute la grâce le quitta ; ses mouvements devinrent rigides et conscients d’eux. Le danseur poursuit avec une autre histoire, au sujet d’une époque où il pratiquait l’escrime avec un ami, et le battait à plate coutures. L’ami l’invita à essayer de combattre à l’escrime avec un ours apprivoisé, et le danseur se moqua de lui, mais ne trouva aucun moyen ; aussi acharné fut-il, il ne pouvait toucher l’ours avec la pointe de son épée ; l’ours le contrait à chaque fois. En outre, quand il feintait, l’ours le savait et ne bougeait pas. ( Est-ce que vous vous souvenez de ce passage dans Les royaumes du Nord ? Je suis plutôt honnête avec mes vols.) De toute façon, la conclusion à laquelle ils aboutirent est que plus nous nous éloignons de l’humain – dans la semi-conscience de l’ours, dans l’inconscience totale de la marionnette – plus clairement la grâce émerge. C’est la conscience de soi qui la détruit. (NDT : « consciousness » signifie à la fois « conscience » et connaissance », et c’est ambiguïté qu’il n’est pas possible de rendre dans notre langue est très importante à saisir ) Nous vivons dans une vallée noire, sur un éventail à mi-chemin entre la grâce inconsciente de la marionnette et la grâce pleinement consciente du dieu. Mais le seul chemin pour échapper à cette impasse - ils s’accordent sur ce point -, n’est pas de retourner en enfance : de même, le chemin qui mène au Jardin d’Eden est gardé par un ange avec une épée féroce ; il n’y a pas de point de retour. Nous devons aller de l’avant, à travers les douleurs et les difficultés de la vie, à travers la gêne et le doute, et l’espoir que, de même que nous devenons plus vieux et plus sages, nous pouvons approcher, à nouveau, du paradis originel, comme s’il existait, et entrer dans la grâce qui se tient à l’autre bout de l’éventail. Vous êtes là. Kleist dit en trois ou quatre pages ce que j’ai dit en 1300 pages ou davantage, et il l’a dit mieux que moi. Je ne peux vous dire l’effet qu’a produit cet essai sur moi, et à quel point je pense qu’il est profond et important. A : Laissez-moi vous interroger au sujet des anges, Balthamos et Baruch. Leur évidente passion réciproque n’a pas dû réjouir ceux qui étaient déjà critique quant à Lord Asriel. PP : Je les ai beaucoup aimés dès qu’ils sont apparus. Vous avez un petit frisson d’excitation quand quelqu’un ou quelque chose arrive dans l’histoire et que vous savez que cela va être source d’un récit riche par la suite. Et, dès que ces deux figures indéfinies sont arrivées vers Will, à la fin de La tour des anges, j’ai senti cela. Je ne leur avais pas donné de nom alors, mais je savais qu’ils allaient être présents dans le troisième livre. A : Sur le site Internet de Random House (NDT : sa maison d’édition américaine), vous avez créé le Liber Angelorum (NDT : Le livre des anges) comme un ajout à La tour des anges. PP : Il y a beaucoup plus de choses à écrire que je n’en ai écrit – et un peu plus que je pourrais révéler un jour – à propos des affaires des anges. C’est aussi intéressant que les daemons, en fait. Je ne dis pas : « Ce sont des types avec des ailes, faits d’âme, et qui vivent éternellement. » Mais le fait est qu’ils incarnent certaines qualités et émotions humaines. C’est la manière dont Milton parle des anges dans le Paradis perdu, parce qu’en agissant ainsi il peut exprimer certains états psychologiques avec des images piquantes, d’une éclatante brillance. Et c’est ce que j’essaie de faire, autant que mon habilité me le permet, dans le troisième livre. A : Et qu’en est-il des états psychologiques que les mulefas – les êtres à roues et à trompe sur lesquels Mary Malon tombe par hasard dans le Miroir d’ambre - incarnent ? PP : Ils incarnent l’harmonie avec l’environnement. J’étais sur le point de dire : « Ils sont très californiens, les mulefas. » (rires) Ils représentent un heureux stade de développement dans le processus physique de la vie : ils maîtrisent complètement leur monde, parce qu’ils possèdent ce que nous appelons la conscience. Ils imposent certaines choses à leur monde, mais pas comme les êtres humains le font, qui imposent des produits chimiques agricoles et le pouvoir nucléaire et ainsi de suite ; les mulefas agissent d’une manière plus douce, respectant l’intégrité des choses avec lesquelles ils sont en relation.Par exemple, afin de construire leurs maisons, ils font pousser le bois dans la forme qu’ils veulent pour ce but plutôt que de l’abattre, de faire des plans, de le scier et de le hacher. A : S’il n’en tenait qu’à vous, dans lequel de vos différents mondes choisiriez-vous de vivre ? PP : Et bien, ce serait sympathique de voir le daemon de quelqu’un, je suppose, donc je préférerais vivre dans le monde de Lyra. Mais, d’un autre côté, ce pourrait être plutôt dangereux si je ne connaissais pas mon chemin dans ce monde. Je suppose que ça revient à dire que nous devons construire notre République des Cieux, quel que soit l’endroit où nous sommes ; ainsi, je serais heureux dans mon propre monde, là où je suis. Si ce n’est pas le monde le plus heureux, au moins c’est là où je dois être, là où je dois vivre et travailler. A : Vous avez dit que c’était la dernière fois que nous entendrions parler de Will et Lyra. Est-ce réellement vrai ? PP : Pour le moment. Vous voyez, c’est la fin de leur histoire. A : Même si vous n’écrivez jamais rien de plus à leur sujet, suivrez-vous leur vie ? PP : Peut-être, souterrainement, y aura-t-il quelque chose qui se passera sur le rebord de leur vie. Les éditeurs aimeraient que je fasse un manuel annexe, dont la matière se référerait au contexte matériel, aux biographies des personnages, peut-être – comment appellent-il ça aujourd’hui ? - ce genre de choses qui ont trait à la genèse d’une œuvre, aux événenents antérieurs [NDT : « prequel » est le terme anglais, francisé à tort et à travers, que je refuse d’employer]. Et qui sait, je pourrais le faire… Il est certain qu’il y a un large pan de choses que j’ai laissées dans le silence pendant tout le parcours. De manière sous-jacente, la trilogie tout entière est une sorte de mythe de la création, qui m’est apparu de façon implicite pendant la rédaction de la trilogie, de la même manière que l’Ancien Testament est le sous-bassement du Paradis perdu. Quand j’écrivais A la croisée des mondes, je l’ai couché sur le papier, plusieurs fois, de plusieurs manières, jusqu’à ce qu’il me soit évident. Ça existe, mais ce n’est pas écrit de manière explicite dans le livre, et ça pourrait être quelque chose sur quoi je pourrais m’étendre. A : Vous avez laissé deux ou trois choses ouvertes, cependant. PP : Oui, je ne ferme jamais les portes complètement (rires) A : J’ai entendu dire qu’il y aavit des différences entre les éditions anglaises et américaines du premier tome. PP : Il n’y a pas beaucoup de différences dans le texte – presque pas. Mais les éditions anglaises des deux premiers livres ont des illustrations, une différente pour chaque chapitre, que j’ai dessinées moi-même. J’étais très enthousiaste pour poursuivre la tradition dans le troisième livre, mais une meilleure idée m’est venue. Ainsi, pour le troisième livre, au Royaume-Uni, j’ai mis une petite épigraphe, une citation extraite d’un recueil de poésie ou de la Bible, ou de quelque chose d’autre, en tête de chaque chapitre – juste deux ou trois lignes, pas plus. Ces citations étaient des petits fragments de poésie qui m’avaient accompagné pendant toute la rédaction, ainsi elles étaient importantes pour moi. Et je pense qu’elles ont éclairé les chapitres d’une manière intéressante. A : Laissez-moi vous interroger au sujet des poèmes qui ouvrent le Miroir d’Ambre. PP : Celui de John Ashbery est extraordinaire. Je suis tombé dessus pour la première fois dans ses Poèmes Choisis quand j’étais à Toronto, à la fin du tour promotionnel de prépublication des Royaumes du Nord.. Je l’ai ouvert pour la première fois et il y avait cette merveilleuse strophe à la fin de « L’ecclésiaste » : « De fines vapeurs s’échappaient de tout ce qui faisait la vie La nuit est froide et délicate et pleine d’anges. » Je l’adore tout simplement ! C’est une sorte de petit résumé de ce qui va se passer à la toute fin du troisième livre, et je pensais que je devais le mettre. Le Rilke de la « Troisième élégie », où il s’adresse aux étoiles et se demande si les sentiments amoureux que l’on éprouve pour son ou sa bien-aimé(e) viennent des « pures constellations » - encore maintenant cela me frappe avec une grande force dès que je le lis. A : Et celui de Blake ? PP : Il a été très important pour moi pendant longtemps ; ce passage particulier extrait de son œuvre prophétique « America » me semble exprimer très clairement ce qui arrive quand les morts sont finalement libérés. J’espère que les lecteurs les aimeront. Bien sûr, quand vous inscrivez une épigraphe dans un livre, vous savez que beaucoup de gens ne la liront pas. Mais un petit nombre d’entre eux le feront, et ils peuvent être amenés à en lire davantage au sujet des poètes concernés, ce qui serait formidable. A. : J’aime la description dans Le miroir d’ambre des fantômes d’enfants, dont les voix n’étaient pas plus bruyantes que les feuilles mortes qui tombent et qui passent à travers Lyra comme de la fumée. Je me demandais s’ils avaient été difficiles à créer. PP : Ils l’ont été très facilement. Je les ai vus tout de suite et je les ai entendus tout de suite. Cette association d’idées entre les fantômes et les feuilles mortes est plutôt facile à faire, parce qu’il y a une suggestion de mélancolie, et bien sûr de mort, dans une feuille morte. Elle est très légère, fragile et sans substance. J’ai vu ces enfants très clairement dans mon esprit. A : C’est un crève-cœur quand ils se bousculent autour des libellules – les coursiers des Gallivespiens – pensant qu’ils sont des daemons. Et comment avez-vous pensé aux Gallivespiens, ces espions zélés, qui ne sont pas plus grands que la main de Lord Asriel ? PP : Ils sont simplement apparus soudainement, et j’ai pensé : “Oui, je vous veux.” En particulier avec les éperons et le venin et la nature susceptible et ombrageuse qu’ils présentent. A : J’ai été ravi par votre remarque selon laquelle ils ne seraient pas d’aussi bons espions s’ils avaient notre taille. PP : Mais vous voyez, j’ai pris grad plaisir avec cette sorte de choses. Même si le ton que vous essayez de communiquer est émotionnel, vous avez encore à faire en sorte que l’acte d’écrire soit aussi amusant que vous le pouvez. A : Il y a également des moments, juste pour un instant – ou une phrase – où vous vous adressez un peu plus à vos lecteurs adultes. Par exemple, dans La tour des anges, quand la reine des sorcières lettonnes s’envole en direction de Lord Asriel, vous écrivez : « Chaque sorcière, ici, savait ce qui allait se passer ensuite, et ni Will ni Lyra n’en avaient rêvé. Ainsi Ruta Skadi n’avait aucun besoin de le révéler. » PP : Je ne l’explique pas clairement. C’est bien si vous pouvez le voir, mais ce n’est pas grave si vous ne le pouvez pas. Une des choses plaisantes au sujet de cette série, c’est que j’ai eu beaucoup de réponses de la part des adultes aussi bien que de la part des enfants. A : Est-ce que vous avez pris du plaisir à nous en montrer un peu plus sur Lord Asriel dans le troisième livre ? PP : Oui, ce fut le cas. Et particulièrement d’en montrer plus au sujet de Mrs Coulter. A : Pensez-vous que vos personnages ont également différents aspects de vous en eux ? PP : Bien, je suppose que c’est inévitable, mais je ne voudrais pas savoir ce qu’ils sont. Je ne sais pas s’ils viennent de mon intérieur ou de mon extérieur. Je ne sais pas si je les crée ou si je les attrape. Et je ne suis pas particulièrement sûr de vouloir spéculer. Mon travail est de prendre ce qui vient à moi, d'où que cela vienne, et de lui donner une forme dans une histoire qui tiendra les gens en haleine et leur fera tourner la page. Ainsi, ça ne m’intéresse pas vraiment de savoir si ces traits de caractères sont empruntés à des choses que j’ai observées ou si je les tire entièrement ou les fonde sur des personnes réelles. Je ne sais pas d’où ils viennent ; je sais simplement qu’ils viennent. A : Cela paraît similiaire à l’interdépendance entre le mulefa et les arbres à cosses en forme de roue. Mary Malone se demande : « Qu’est-ce qui est venu en premier : la roue ou la pince ? Celui qui se sert de la roue ou l’arbre ? PP : Ils arrivent ensemble – c’est exact. Ils se créent l’un l’autre.










Dans un « chat » transatlantique avec Kerry Fried d’Amazon.com, Philip Pullman débat de l’achèvement d'A la croisée des mondes et d’une erreur que C. S. Lewis [NDT : auteur des fameuses Chroniques de Narnia, classique de la littérature jeunesse] n’aurait réellement pas dû commettre. Il nous offre également ses personnages préférés, principaux et mineurs, et discourt du fait de savoir si oui ou non vous pouvez choisir votre daemon idéal (désolée tout le monde, vous n’avez pas l’ombre d’une chance), et s’étend sur le point clef qui marque un tournant dans l’évolution humaine (laissez-moi simplement dire que cela implique un certain serpent).

A : Maintenant que le dernier livre de votre trilogie est terminé, puis-je vous demander quelle part vous appartient en propre et quelle part vos personnages ont, eux-mêmes, élaborée ?
PP : Je suppose que la forme général provient de moi – dans le sens où je savais depuis le début ce qui allait se passer et où allaient les personnages. Mais ils vous surprennent toujours ; ils font toujours des choses que vous ne saviez pas à l’avance. Ainsi, je suppose que cette part-ci m’appartient et que cette part-là est la leur.
A : Pouvez-vous me donner un exemple d’un personnage accomplissant un jeu qui lui était propre ?
PP : Mrs Coulter m’a surpris en agissant de la manière dont elle l’a fait. Elle était toujours en avance d’un coup sur moi, en vérité. Je ne pouvais jamais dire vraiment comment elle allait se sortir de cette circonstance-ci ou de cette circonstance-là. Et, bien que je sentais que son comportement était en train de se modifier, s’approfondissant ou mûrissant – ou quelque que soit le mot que vous employiez- à travers A la croisée des mondes, cela ne se produisit pas avant que j’ai parfaitement balisé le chemin, à travers le troisième tome, et c’est là que j’ai réalisé ce qu’elle devait faire à la fin.
A : Combien de temps avez-vous vécu avec ces personnages et qui est apparu le premier sur scène ?
PP : Sept ans. Le premier livre m’a pris deux ans, le second deux ans, et celui-ci trois ans. La première image qui m’est venue à l’esprit est Lyra se cachant et entendant, par hasard, quelque chose qui lui était incompréhensible. Et, parce que j’aimais le personnage qu’elle était, j’ai laissé mon esprit jouer avec les autres choses qu’elle pourrait faire. Et, alors, d’autres images se sont assemblées entre elles et, peu à peu, sont venues à moi – comme des papillons, j’imagine. Elles peuvent sentir qu’une histoire est en train de se construire et veulent être une part de cette histoire, alors elles affluent vers cette petite lumière qui brille.
A : Pantalaimon, le démon de Lyra, était-il à ses côtés au début ?
PP : Pas au tout début, non. Parce que, quand j’ai commencé le livre, elle n’avait pas de daemon du tout – il n’y avait pas de choses telles que des daemons. Mais je ne pouvais pas réellement faire commencer les choses jusqu’à ce que je découvrisse qu’elle en avait un, et ce qu’ils étaient, et ce qu’ils faisaient. Ce fut un long processus d’installer et de fixer la page, essayant d’écrire le premier chapitres de différentes manières. Finalement, je réalisai enfin qu’elle avait un daemon. Et je commençai à imaginer quelques-unes - bien que pas toutes - des actions des daemons. En vérité, je découvrais encore des choses à leur sujet dans les toutes dernières pages du Miroir d’ambre.
A : Avez-vous un personnage favori ?
PP : Mis à part Lyra, qui a été l’étoile qui m’a guidé pendant tout le chemin, je dois réellement avouer que ce fut Mrs Coulter.
A : Elle est complètement enivrante.
PP : Elle m’a enivré, je vous dis ! C’est une bonne chose que je ne connaisse aucune Mrs Coulter dans la vraie vie – une bonne chose qu’il n’y ait aucune Mrs Coulter dans la vraie vie.
A : Et au sujet des personnages secondaires ?
PP : Lee Scoresby. Je l’ai aimé aussitôt qu’il est arrivé, ce texan mercenaire aéronaute. Au fait, j’ai créé son nom à partir du nom de cet acteur qui apparaît aux côtés de Clint Eastwood dans les westerns spaghetti, Lee Van Cleef, et à partir d’une explorateur de l’Arctique nommé William Scoresby.
A : La bataille dans laquelle Lee Scoresby et son daemon lapin, Hester, sont surpassés en nombre, dans La tour des anges est un de mes passages favoris, et un de vos moments les plus violents. Hester est au sommet de mon panthéon.
PP : Une de mes tantes avait la même nature et manière de parler, sèche et laconique. J’aimais beaucoup cette vieille femme, et Hester a quelque chose d’elle, il me semble.
A : Laissez-moi vous interroger sur vos passages préférés de la trilogie.
PP : J’aime bien l’affrontement. J’aime la scène entre Lyra et Iorek Byrnison, l’ours, quand ils se rencontrent pour la première fois dans la boue, à l’extérieur du café. J’aime bien la bataille des ours, dans le premier livre, la scène où Lyra tombe sur Mary Malone, la scientifique, dans le second livre, et également la scène où Will rencontre l’ours dans le Miroir d’ambre. Les passages où des personnages importants se rencontrent pour la première fois ont une tension particulière et ils sont très excitants à écrire.
A : Il y a aussi des enclaves de quiétude, des moments apparemment accessoires. Dans le Miroir d’ambre, il y en a un, dans lequel Lyra finalement reconnaît un des petits espions Gallivespiens, Lady Salmakia. Je me demandais comment vous aviez réussi à passer du moment où Lyra écoute cette femme à celui où elle exprime son espoir d’avoir, un jour, « un enfant à elle, à endormir et à bercer en chantant» dans une tonalité telle que celle-ci.
PP : J’étais conscient qu’il devait y avoir des moments de calme. En fait, la dernière section du troisième livre devait entrer dans un nouveau type de royaume émotionnel. Si vous pensez à un travail d’aussi longue haleine que celui-ci comme à un morceau de musique, les passages bruyants le sont seulement parce qu’ils sont contrastés par les moments de calme. Et, en peinture, les parties aux couleurs vives sont vives parce qu’elles sont exposées contre des parties sombres. Si vous êtes sur le point de ressentir une grande excitation, vous devez aussi avoir des moments de calme, et la question est de savoir comment les arranger ensemble dans le meilleur ordre qui soit, ainsi ils produisent le contraste le plus vivifiant et le plus parlant les uns avec les autres. C’est une affaire compliquée. (rires)
A : Lyra « n’a pas eu de chance avec ses vrais parents », comme le remarque Lee Scoresby, mais lui et plusieurs autres sont résolus à compenser ce manque. Will, également, est prêt à tout pour trouver son père et sauver sa mère, bien que moins disposé à accepter des substituts. Cette perte – et gain – figure également dans quelques autres de vos fictions.
PP : Bien, d’un côté, il n’y a rien de plus inopportun dans une histoire qu’un père et une mère. Ainsi que Jane Austen a pu le mettre en évidence : « c’est une vérité universellement reconnue que les jeunes protagonistes en quête d’aventures doivent laisser tomber leurs parents. » D’un autre côté, malgré ceci, il n’y a aucun doute qu’il y ait des pressions psychiques derrière ce phénomène. Peter Dickinson et moi-même discutions un jour, et ce sujet est venu dans la conversation, et nous étions d’accord pour remarquer combien il était étrange que tant d’auteurs pour enfants aient perdu un de leurs parents, ou les deux, dans leur enfance. Mon père est mort dans un accident d’avion, quand j’avais sept ans, et, naturellement, j’ai été préoccupé pendant longtemps par le mystère de savoir de quoi il avait l’air.
A : Quand Lyra est capturée et amenée à Bolvangar, vous décrivez l’infirmière comme quelqu’un qui « serait capable de suturer une blessure ou de changer un pansement, mais à jamais incapable de raconter une histoire », et le conte devient vraiment clef, pour le futur de l’humanité dans le troisième livre. Vous avez longtemps insisté sur le point que vous étiez, à vos yeux, un conteur et pas un écrivain. Quelle différence faites-vous entre les deux ?
PP : Pour moi, l’histoire est primordiale et la texture réelle de l’écriture est secondaire. Cela ne veut pas dire que je pense que le style n’est pas importants, parce que je prends grand soin d’user correctement des mots et que j’ai un certain style, rythmique et rehaussé. Mais il serait flatteur, par exemple, de penser que j’ai écrit une histoire que d’autres pourraient raconter avec d’autres mots, et qui produirait le même effet que maintenant, quel que soit cet effet. J’ai un but élevé, mais les contes de Hans Christian Andersen sont aussi efficaces, aussi convaincants, quand ils sont dits par d’autres conteurs. Tandis que un livre comme Madame Bovary, raconté par un autre romancier, serait plat, rassis, ennuyeux et stérile. Mais c’est extraordinaire avec les mots de Flaubert.
A : Quand vous avez reçu le prix du Carnegie, en 1996, pour Les Royaumes du Nord, vous avez dit que les romanciers pour adultes avaient perdu ou ne semblaient pas assez soucieux de l’art de raconter des histoires. Je me demandais si vous aviez lu, depuis ce moment-là, quelque chose qui vous ait fait changer d’avis.
PP : Quand vous prononcez des discours de ce genre, vous vous devez d’être un minimum provocateur. (rires) Les organisateurs l’attendent, parce qu’ils veulent qu’on parle du prix dans les journaux. Mais je crois vraiment que, dans la littérature pour adulte - assurément c’est le cas en Grande-Bretagne - les écrivains, qui sont grandement appréciés, sont les premiers pour qui l’histoire n’est pas le facteur primordial. Et il m’a semblé que, dans l’œuvre de certains d’entre eux, les histoires sont en fait plutôt méprisées. Ils sont fuyants, embarrassés d’avoir à raconter une histoire ; ainsi, ils usent de toutes sortes d’artifices littéraires et tendent tous vers le post-modernisme. Ils mettent au premier plan le fait qu’ils savent qu’ils racontent une histoire, ainsi le lecteur ne les prendra pas pour quelque innocente personne comme Tom Clancy ou John Grisham, qui, probablement, ignorent qu’ils écrivent une histoire. Je trouve que ces artifices sont irritants et stupides et que c’est une étape que ces personnes devraient s’empresser de franchir.
A : En parlant d’embarras, j’ai évité Les royaumes du Nord, quand le livre est sorti pour la première fois, parce que je pensais avoir une totale inaptitude à lire de la fantasy.
PP : Vous n’êtes pas le seul. Je ne peux pas lire non plus de fantasy. Et j’ai découvert que la raison, pour laquelle je ne le peux, réside dans le fait que cela ne me dit rien d’intéressant au sujet de l’être humain. Dans le Monde des Morts, un des passages du Miroir d’ambre, l’imagination de Lyra ne satisfait pas les harpies. Elles sont satisfaites uniquement quand Lyra leur dit la vérité. Et c’est ça que je veux dire. Il y a quelque chose où je peux poser ma main sur mon cœur et dire : « je crois passionnément que c’est vrai et que les livres qui nous satisfont et nous nourrissent et nous font grandir doivent avoir ce fond d’authentique vérité en eux ». Et je n’en vois pas beaucoup de cette sorte dans la plupart des livres de fantasy.
A : Une des raisons pour lesquelles la trilogie est si étendue est que vous révélez un profond lien entre le daemon et l’humain. La plupart d’entre nous, même si nous devrions réellement mieux raisonner - et vous nous avez dit que nous le devrions - souffrent d’envie vis-à-vis de ces daemons.
PP : (rires) Ce fut la plus riche idée que j’aie jamais eue. Il y a tant de choses différentes que je pourrais faire avec. Dans le premier avant-projet des Royaumes du Nord, les daemons de tout le monde changeaient de forme, ceux des adultes y compris. Mais, après un certain temps, j’ai senti que cela n’ajoutait, en fait, rien à ce que j’essayais de dire. J’ai marché de long en large dans le jardin et j’y ai pensé et, soudain, j’ai réalisé que, bien sûr, l’histoire tout entière reposait sur la maturité. C’est au sujet de la différence entre l’innocence et l’expérience, entre l’enfance et l’âge adulte, et si cette affaire de daemon ne symbolisait pas ou ne signalait pas ceci, cela encombrerait le passage. A ce moment-là, j’ai réalisé que je devais marquer une différence entre les daemons des enfants et ceux des adultes. Un court moment après, j’ai appris de quoi il était question : les daemons des adultes étaient fixés – ils ne changeaient pas. C’est une clef d’une grande partie de l’histoire.
A : Ils sont des créatures très physiques, sensuelles, mais ils ne semblent pas avoir besoin de se nourrir. Pan attrape de temps en temps un papillon et, dans La Tour des anges, il trempe sa patte dans l’omelette.
PP : Vous pouvez montrer du doigt toutes sortes de passages dans l’histoire où je n’ai pas mentionné des choses que vous n’aviez pas besoin de savoir. Une autre chose que vous n’avez pas besoin de savoir est la manière dont les daemons sont nés. Je ne veux pas pénétrer dans la gynécologie des daemons – vous n’en avez pas besoin pour l’histoire, bien que je puisse le faire. (rires) Et c’est une erreur, à ce propos, qui a été faite par C. S. Lewis, dans ses Chroniques de Narnia. D’un côté, il dit que depuis que les centaures ont deux estomacs – un estomac humain et un estomac de cheval – ils doivent prendre deux petits déjeuners. Premièrement, ils ont un petit déjeuner constitué de bacon et d’œufs, et ensuite un petit déjeuner composé de foin. Sans doute, ils mangent le foin avec leur bouche humaine, mais comment ? C’est un petit détail irritant qui fait saillie et vous fait penser : « hein ? » Et la seule chose que vous ne voulez pas est d’acculer le lecteur à ce « hein ? » Ainsi, ignorez-le. Si vous voulez des centaures, bien, mais ne parlez pas de leur nourriture. Ce n’est pas nécessaire.
A : J’ai lu une interview de vous dans les « Talking Book »s [ NDT : j’avoue mon ignorance sur ces livres ? ], dans lesquels vous disiez que si vous aviez le choix de votre daemon, ce serait un corbeau, « parce que c’est l’oiseau dans la mythologie de l’Amérique du Nord qui représente l’illusionniste, le conteur, le créateur. »
PP : Mais, il ne me sert à rien de dire : « Je voudrais être ceci, je voudrais être cela. » Je serais lié avec ce qu’il serait et je devrais en tirer le meilleur parti. Je pense que le moyen de découvrir ce qu’est votre daemon n’est pas de penser à ce que vous voudriez qu’il soit, mais de demander à vos amis ce qu’ils en pensent. Probablement, le meilleur moyen de se renseigner est de le faire à bulletin secret ! Donnez-leur à chacun un morceau de papier et ils pourront écrire dessus et arriver à un accord sur le sujet.
A : Ressentez-vous un grand soulagement d’avoir terminé la trilogie ?
PP : Un soulagement, oui ; mais, elle me manque également terriblement. Celle-ci m’a manqué plus que les autres livres parce que j’ai vécu sept ans avec elle, et parce que c’est l’œuvre dans laquelle j’ai dit le plus clairement ce que je voulais dire qui comptait le plus pour moi.
A : Vous ne vous interrogez pas sur la nature de la sainteté et de ce qui est sacré même si l’Eglise, dans le monde de Lyra, y est fortement intéressée. Les deux premiers livres de la trilogie ont en quelque sorte, pour certains lecteurs, joué sur la gamme qui s’étend du blasphème au mal avéré.
PP : Bien, j’attendais cela, et je m’attendais à pire. Mais je pense qu’aussi longtemps que les gens seront agités au sujet de savoir si Harry Potter fait de vous un sataniste ils ne s’occuperont pas trop de moi. Ainsi, je suis heureux de m’abriter sous le grand parapluie d’Harry Potter. (rires)
A : Le troisième livre montre clairement que nous devrions tous travailler à un meilleur présent, ce qui devrait calmer les inquiétudes de certains lecteurs.
PP : Je crois très profondément en la notion de République des Cieux – que nous sommes tous responsables de l’amélioration des choses, et que nous ne pouvons y échapper en blâment les autres pour cela ou en rejetant la responsabilité sur quelqu’un d’autre. C’est le rôle de chacun d’entre nous. Je n’essaie pas de prêcher dans ce livre la défense dPhu Ciel ; tout ce que j’essaie de faire est de raconter une histoire. Mais si l’histoire doit résonner et se propager dans l’esprit des gens et leur faire sentir certaines choses, alors, peut-être, que c’est bien.
lundi 24 octobre 2005

Si, comme le dit Cioran, "Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir eu des parents alcooliques..." et si, comme je me plais à le répéter dans mon antienne favorite, tout le monde n'a pas eu la chance de ne pas avoir de parents, parfois on envie certaines progénitures quand elles ne font pas honte à leur illustre parent. C'est le cas de la jeune (et délurée) Sophie Auster, beauté trouble âgée de 17 ans (elle en fait le double !) qui nous livre un album de chansons, ou plus précisément de textes coédités par les éditions Naïve et... Actes Sud ! Hé oui, le disque est disponible ... en librairie !
La voix est mature et chante Apollinaire, Desnos, Soupault, Eluard ou Tristan Tzara, tous traduits du français par son papa, Paul Auster. Il y a aussi des textes nés de sa plume d'écrivain et non plus de traducteur, en compagnie de sa fille.
L'ensemble forme un disque plaisant, parfois émouvant et plutôt réussi dans l'ensemble si l'on aime les ballades - ce qui est mon cas.
La voix a des accents (convenus) de Norah Jones. L'originalité est ailleurs : dans la démarche.
Un plaisir pour les oreilles.
Et puis, je n'ai rien (presque rien) contre les filles à papa, quand le papa s'appelle Auster...
http://www.actes-sud.fr/ficheud.php?codeud=as1785
dimanche 23 octobre 2005
C'est un homme que j'admire et que j'aime. Voici un fait rare : j'ai tendance à préférer les morts aux vivants. Au moins ces derniers ont peu de risques de me décevoir. Ce n'est pas mon écrivain préféré, il ne se situe même pas dans le panthéon de mes adorés de la littérature, mais je lui reconnais un talent à nul autre pareil pour communiquer sa passion. Certains de ses livres m'ont aidé à vivre : La douane de mer, Presque rien sur presque tout. Sans lui, je n'aurais pas eu le même goût pour Venise et son café Florian, je n'aurais pas regardé le monde avec les mêmes yeux. J'aime les êtres brillants et c'est un des rares astres dans la constellation des médiocres de notre époque. J'aime sa voix, sa manière à lui si particulière d'évoquer Venise et Chateaubriand, son oeil coquin et cette nostalgie moqueuse qui est la sienne, qui affleure sous le vernis d'un bonheur de façade, de politesse. Merci Jean d'O. Spéciale dédicace à l'Ulysse de banlieue. http://www.caffeflorian.com/
samedi 22 octobre 2005
Je n'en fais pas un secret : Dickens est un de mes écrivains préférés et j'attendais avec une appréhension mâtinée d'excitation l'adaptation de Polanski. Nul doute que j'eusse préféré qu'il mît en images De grandes espérances, qui contient des moments drapés des vapeurs du rêve (ou du cauchemar), mais le roman est plus difficile à traduire en images, parce que peut-être moins linéaire. C'est peut-être d'ailleurs le reproche principal que je ferai à Polanski : avoir enchaîné les divers moments de l'histoire d'Oliver Twist comme des perles dans un collier. Trop linéaire que ce parcours qui, pourtant, dans le roman, est plus semés d'embûches et de chemins de traverse. Bizarrement, cette ligne droite qui symbolise une matière de destin gomme dans le film le principal trait de la nécessité attachée à l'existence d'Oliver : le secret de sa naissance. En effet, le principal ressort des romans du XIXe siècle réside, à l'instar de certaines tragédies grecques, dans la marque du destin apposée sur la naissance du héros (David Copperfield, par exemple, est né "coiffé"). La résolution du roman se fait par la reconnaisssance de l'identité véritable du personnage principal. Justement, il est fait mention dans le film de Polanski de cette identité fausse que porte l'orphelin Oliver : Twist est un nom d'emprunt dont l'a affublé un bedeau pervers et insoucieux. Twist, signifie pour une part, "tordu", "inattendu", quelque chose qui n'est pas linéaire, clair ou prévisible, etc. Tout le contraire du destin. Ce patronyme dissimule sa destinée (qui est mis en évidence dans le roman éponyme et qui est même LA raison du roman). Or, rien ne vient lever le secret d'Oliver dans le film de Polanski et c'est une faute gravissime ; Polanki passe à côté du sens du roman du XIXe siècle ! Demeurent des trognes admirablement appropriées, des visages et des corps parfaitement dickensiens (le bedeau, par exemple et un convive, à la table des notables), une belle reconstitution de Londres (bien que je trouve les couleurs trop "propres" parfois) et une certaine poésie. L'autre reproche que j'adresse est au doublage français, qui est catastrophique. De plus, l'emploi de certains mots anachroniques (que j'espère absents de la V.O. m'ont quelque peu fait bondir ; "gazon" par exemple...) ! En résumé, c'est un beau film, non exempts de défauts que l'on pardonnera à la faveur de glorieuses images et de moments d'émotion sans pathos ; le personnage de la prostituée Nancy est celui qui m'a le plus ému, dans le roman comme dans le film. Mention spéciale à Sir Ben Kingsley, qui est un magnifique Fagin, sorte de croquemitaine au bon coeur, malgré tout.
vendredi 21 octobre 2005






THE BOY WITH THE THORN IN HIS SIDE
The boy with the thorn in his side
Behind the hatred there lies
A murderous desire for love
How can they look into my eyes
And still they don't believe me ?
How can they hear me say those words
Still they don't believe me ?
And if they don't believe me now
Will they ever believe me ?
And if they don't believe me now
Will they ever, they ever, believe me ? Oh ...
The boy with the thorn in his side
Behind the hatred there lies
A plundering desire for love
How can they see the
Love in our eyes
And still they don't believe us ?
And after all this time
They don't want to believe us And if they don't believe us now
Will they ever believe us ?
And when you want to Live
How do you start ?
Where do you go ?
Who do you need to know ?
Oh ... Oh no ... Oh ... La ...

Photographie de Cecil Beaton en 1942 pour la couverture du disque.

Photo reprise par les Editions Penguin.

Serendipity quand tu nous tiens !
jeudi 20 octobre 2005
Je n'en croyais pas mes yeux en tombant sur ce DVD : "En février 1942, Welles part pour le Brésil tourner un film qu'il ne pourra jamais achever. Un demi-siècle plus tard, It's All True s'ouvre par un document qui raconte, à travers une enquête minutieuse et de nombreux témoignages, l'épopée de Welles au Brésil, puis présente dans son integralité ce film qu'on croyait perdu, Four Men on a Raft, restauré à partir des indications du cinéaste. " Je vais m'empresser de le regarder. Je signale cette somme, qui existe depuis déjà un moment : la trilogie de Youssef Ishaghpour aux Editions de la Différence (qui portent bien leur nom).
mercredi 19 octobre 2005
Le titre original d' ALCDM, His dark materials est emprunté à Milton.
C'est une citation extraite du Paradis perdu, livre II : "(...) à moins que le tout-puissant Créateur n'arrange ses noirs matériaux pour former de nouveaux mondes (...)"

Histoire de compléter, j'ajoute cette citation toujours extraite du même endroit : "Alors il arrête les roues ardentes, et prend dans sa main le compas d'or préparé dans l'éternel trésor de Dieu, pour tracer la circonférence de cet univers et de toutes les choses créées. Une pointe de ce compas il appuie au centre, et tourne l'autre dans la vaste et obscure profondeur, et il dit : " Jusque là étends-toi, jusque là vont tes limites ; que ceci soit ton exacte circonférence, ô monde !" "
Pour ceux qui se demandent d'où vient le titre du tome 1 (The Golden Compass) version USA ...
Pullman est celui qui m'a ouvert le monde de la "fantasy", même s'il déteste cette dénomination. Comme beaucoup de gens mal informés ou forts de leurs préjugés, j'ai longtemps fustigé ce que je croyais être un sous-genre littéraire. Il n'y a pas de sous-genres, ni de genres, simplement de bons ou de mauvais livres. Incontestablement, ceux-ci sont excellents. Pour deux raison : le sens de l'histoire dont fait preuve Pullman (qui est un immense conteur) et l'utilisation des références culturelles les plus diverses et variées (Milton et son Paradis perdu, qui est la clef de voûte, mais aussi Kleist, Freud, La Bible, Voltaire, etc.). La fantasy est peut-être le dernier repaire du roman au XXIe siècle. En effet, à de rares exceptions près, combien existe-t-il, en France, de véritables romanciers ? Je parle de gens qui écrivent une HISTOIRE et non pas de gens qui apposent le beau nom de "roman" sur une couverture ? La grande majorité des écrivains français ne sont pas des romanciers, même s'ils s'enorgueillissent de ce titre, pour la simple raison qu'ils ne savent pas ce que signifie le mot fiction. Parler de ses vergetures, de son dernier accouchement, de sa prostate, de sa peine à jouir, de ses traumatismes d'enfance, de sa puberté ou de son chagrin d'amour ou, pire que tout, de considérations littéraires, sans une histoire pour sublimer tous ces tourments est le lot des neuf dixièmes des "romanciers" français actuels. Oui, le roman est mort. Et ceux même qui posent la question de savoir pourquoi sont les coupables. Alors, vivent la science-fiction, la fantasy ou le roman policier, qui échappent, de par leur nature, à cette contamination. Bref, ce n'est qu'une digression.
mardi 18 octobre 2005
"Les quatre uniques choses qui m'intéressent sont : lire des livres, aller voir des films, faire des claquettes et dessiner. Mais, un jour, j'ai commencé à écrire..." "There's the one and only T.C. There was nobody like me before, and there ain't gonna be anyone like me after I'm gone." "Failure is the condiment that gives success its flavor." Truman Capote est né en 1924 à la Nouvelle-Orleans et a été élevé dans diverses régions du sud. Il est mort en 1984. A l'âge de 14 ans, il a commencé à écrire sérieusement des nouvelles, dont certaines ont été publiées. Il a quitté l'école à 15 ans et a commencé à travailler, à 17 ans, pour le "New Yorker", qui lui permit d'exercer son premier (et dernier !) travail régulier. Il a vécu en plusieurs points du globe : la Russie, la Grèce, l'Italie, l'Inde, etc. J'aime infiniment Capote. Son style, tout d'abord : simple, direct et plongé directement dans la lave des sentiments en ébulition. Il n'y a rien de superflu dans ses histoires, dans la manière de les offrir au lecteur. Capote n'est pas l'écrivain des compromis ni des chichis. Il dit les choses dans l'émotion, ni plus ni moins. Ses histoires de Noël me vont droit au coeur. Comme une flèche dans le coeur de la cible. Tel est l'effet de sa prose. Son réalisme est poétique, sans sacrifier à un quelconque artifice. Je le lis comme je parlerais à un vieil ami. Il me rassure. Il me donne envie de vivre quand j'en ai le moins envie. Peut-être parce que je me reconnais en lui : il a été abandonné par sa mère et a été élevé par de vieilles tantes, dont on retrouve le portrait dans certains de ses textes. On goûte à chaque fois à la même saveur étrangement épicée, on entend la même voix, qui hésite entre un désespoir consommé et une envie de vivre "malgré tout". Au fond, peut-être que vivre pleinement nécessite cette lucidité qui ravage jusqu'aux plus sages espérances. Capote va se détruire, peu à peu, par divers abus, comme la drogue et l'alcool, par exemple. A la fin de sa vie, il sera plus un pantin mondain qu'un écrivain, mais il avait déjà donné le meilleur de lui-même. Les couvertures des éditions Penguin sont absolument sublimes. Je ne me lasse pas de les contempler. Cela produit en moi le même effet que celui provoqué par la vitrine de Tiffany chez mon "double", Holly Golightly : j'ai l'impression que rien de grave ne peut m'arriver dans ces moments-là. OTHER VOICES, OTHER ROOMS, 1948 A TREE OF NIGHT AND OTHER STORIES, 1949 LOCAL COLOR, 1950 THE GRASS HARP, 1951 - Ruohojen harppu - film 1996, dir. by Charles Matthau, starring Piper Laurie, Sissy Spacek, Walter Matthau, Edward Furlong, Jack Lemmon, Nell Carter THE GRASS HARP, 1952 (play) BEAT THE DEVIL, 1954 (screenplay, with John Huston) - film dir. by J.H., starring Humphrey Bogart, Jennifer Jones, Gina Lollobrigida, Robert Morley THE HOUSE OF FLOWERS, 1954 (play, with Harold Arlen) THE MUSES HAVE HEARD, 1956 BREAKFAST AT TIFFANY'S, 1958 - Aamiainen Tiffanylla - film 1961, dir. by Blake Edwards, starring Audrey Hepburn, George Peppard, Patricia Neal, Buddy Ebsen THE INNOCENTS, 1961 (screenplay, with William Archibald and John Mortimer) - film dir. by Jack Clayton, starring Deborah Kerr, Michael Redgrave, Peter Wyngarde, Megs Jenkis OBSERVATIONS, 1959 (with R. Avedon) SELECTED WRITINGS, 1963 IN COLD BLOOD, 1966 - Kylmäverisesti - film 1967, written and directed by Richard Brooks, starring Robert Blake, Scott Wilson, John Forsythe, Paul Stewart; television film 1996 A CHRISTMAS MEMORY, 1966 A CHRISTMAS MEMORY, 1966 (television play) THE THANKSGIVING VISITOR, 1967 AMONG THE PATHS TO EDEN, 1967 (television play) LAURA, 1968 (television play) HOUSE OF FLOWERS, 1968 THE THANKSGIVING VISITOR, 1968 (television play) TRILOGY, 1969 (screenplay, with Eleanor Perry) EXPERIMENT IN MULTIMEDIA, 1969 (with E. and F. Perry) BEHIND PRISON WALLS, 1972 (television play) THE GLASS HOUSE, 1972 (television play, with Tracy Keenan Wynn and Wyatt Cooper) THE DOGS BARK, 1973 CRIMEWATCH, 1973 (television play) THEN IT ALL CAME DOWN, 1976 MUSIC FOR CHAMELEONS, 1980 ONE CHRISTMAS, 1982 CONVERSATIONS WITH CAPOTE, 1985 ANSWERED PRAYERS, 1986 (unfinished) A CAPOTE READER, 1987 MARILYN MONROE: PHOTOGRAPHS 1945-1962, 1994 SUMMER'S CROSSING, 2005
lundi 17 octobre 2005


Les Anglo-Saxons ont depuis toujours compris une chose : l'enfance est le lieu de toutes les subversions possibles. L'enfance n'est certainement ce qu'on veut nous faire croire : une enclave d'innocence. Freud disait que l'enfant est un "pervers polymorphe" et il n'y avait rien de provocateur dans cette assertion. C'est la stricte vérité.
Il suffit pour s'en convaincre de regarder jouer et parler des enfants.
Certains auteurs ont eu le talent de mettre en évidence la cruauté, qui est l'apanage de l'enfance (aussi bien que celui de l'âge adulte) mais avec ce raffinement que ne possèdent plus les grands : l'inconscience (et non l'innocence) du geste ou du mot cru.
Barrie est à tort considéré, parfois, comme un auteur mièvre. Ceux qui pensent cela ne savent guère lire entre les lignes...

Agatha Christie adorait écrire certains de ses romans à partir de comptines enfantines et a même fait d'un enfant un meurtrier. Quel délice...
http://www.c20th.com/ppjmbarrie.htm

Beaucoup d'objets et d'informations en rapport avec mon Barrie adoré sont exhibés sur ce site au contenu fort riche.

Sur ebay, je viens de découvrir un livre préfacé à l'époque par Sir Barrie, Young Visiters, écrit par une fillette de 9 ans (Daisy Ashford) et qui semble être un classique au Royaume-Uni.

http://www.stonesoup.com/ash2/ash1.html

Il manque à ma collection.
J'ai revu Psycho d'Alfred Hitchcock et force est de constater à quel point ce génial cinéste est apparenté au non moins génial Bunuel. Certaines obsessions comme celle du regard ou de l'oeil traversent leurs oeuvres respectives ou, encore, celles des hauteurs (Cf. El de Bunuel et Vertigo d'Alfred Hitchcock) ; Hitchcock "plagie", par exemple, Bunuel lors de la scène du clocher...
samedi 15 octobre 2005
Le plus beau livre de Vian et certainement un des plus beaux livres de la littérature française. "(...) l'histoire est entièrement vraie, puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre." Jeu avec le langage, modèle d'inventivité permanent, ce roman d'amour est un hymne à la vie, à notre faculté d'imagination, à notre pouvoir sur notre propre existence. Chef-d'oeuvre absolu.
vendredi 14 octobre 2005
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Les éditions Allia ont le mérite de publier des petits textes (des miettes) de grands auteurs méconnus ou d'auteurs connus, dont certaines oeuvres le sont moins (les essais de Stevenson par exemple). Je connais Hazlitt, découvert par la lecture de Helene Hanff, en version originale et je gage que ces morceaux sont de choix. "I hate anything that occupies more space than it is worth. I hate to see a load of bandboxes go along the street, and I hate to see a parcel of big words without anything in them. A person who does not deliberately dispose of all his thoughts alike in cumbrous draperies and flimsy disguises maystrike out twenty varieties of familiar everyday language, each coming somewhat nearer to the feeling he wants to convey, and at last not hit upon that particular and only one which may be said to be identical withthe exact impression in his mind. "
Je vous livre, ici, une traduction rapide d'une interview de Peter Krause (Nate Fisher), qui fait suite à la fin de la série (attention aux révélations ou "spoilers" comme disent les franglais !) : Dans cet épisode final, SFU se serait terminé différemment si on avait pris en compte l'avis de P. K. Les fans ont été estomaqués quand Nate Fisher, un personnage central, s'est effondré, pour mourir, ensuite, victime d'une hémorragie cérébrale. Le dernier épisode la série sera diffusé ce week-end, bien d'autres surprises sont prévues. Selon Krause, l'acteur qui a donné vie - de main de maître - au personnage si torturé de Nate, ce fut une journée épuisante, une expérience qui a requis toutes ses forces et a atteint son apogée quand Nate est mort. "Ce fut vraiment très difficile pour moi parce que je savais que, même si je retournais travailler, je ne serai plus jamais Nate Fisher." Je le questionne au sujet des actes étranges de Nate durant cette saison. Le personnage fut, tour à tour, lugubre, résigné, expansif, distant, mais par dessus tout, statique. Pourquoi Nate n'a-t-il rien appris de ses erreurs passées ? "J'étais, dans une certaine mesure, frustré, nous confie Krause." "Il s'est produit certaines choses dans la série que je ne cautionne pas.""Par exemple, Nate et Brenda se marient alors même qu'elle est en train de perdre son bébé, et cela ne me paraît pas découler naturellement de la complexion de leurs personnages respectifs."Il y a toujours une tension créatrice dans n'importe quel spectacle télévisé. Et SFU - une série très subtile - qui fonctionne selon le mantra suivant : "Les êtres humains sont des noeuds de contradictions"- n'était pas prémunie contre les frictions. Les acteurs et les auteurs diffèrent souvent lorsqu'il s'agit de raconter des histoires, de développer des personnages. "Le problème, selon moi, au bout d'un certain temps, fut le suivant : j'ai eu des passages difficiles, où je n'arrivais pas à donner corps à ce qu'on attendait de moi, car je ne parvenais pas à ressentir de la justesse dans le développement de mon personnage, dit Krause." "Il y avait des idées qui forçaient plus le personnage qu'elles ne découlaient de lui." A une époque où, à Hollywood, les mauvaises langues et les "petites phrases" vont bon train, sa candeur est charmante et rafraîchissante. "Vous voyez, dit-il, les gens ont des idées différentes. Mais ce fut, en dernière instance, un lieu plein de créativité pour travailler. Il n'y a rien d'inapproprié dans les histoires qui ont été écrites cette saison. Mais, si j'avais été le capitaine du bateau, je l'aurais dirigé différemment." L'une des issues artistiques de la série fut la manière dont Nate a réagi, au cours des 5 saisons, à la myriade de coups portés au coeur et aux défis qu'il dut subir. Il est retourné, malgré sa nature, à l'entreprise familiale. Il eut une relation tumultueuse avec Brenda. Il fut sur le point de mourir. Il épousa Lisa. Elle mourut mystérieusement. Maya, leur fille, n'est peut-être même pas la sienne. Il assista à un suicide épouvantable. "Je ne sais pas combien de fois quelqu'un doit être frappé derrière la tête pour, au moins, prendre un peu de plomb, dit-il."Alors, quand a-t-il réalisé que l'évolution de Nate serait retardée, que Nate était condamné à faire avec une pitoyable inertie ? La prise de conscience s'est produite, dit-il, à la fin dela saison 4. Après avoir assisté au suicide de Hoyt, Nate retourne auprès de Brenda et la demande en mariage. Cela a frappé Krause comme un acte qui s'opposait résolument à l'évolution de Nate. "Ce fut le premier indice qui me fit comprendre que Nate ne se "réveillerait pas." Cette saison-ci, Krause eut aussi des difficultés avec la scène qui prend place, à son réveil, entre lui et Brenda, à l'hôpital, les instants qui précèdent sa mort. "Je pense honnêtement qu'il y avait quelque chose qui manquait plutôt de clareté et qui était très sombre dans cet arc de l'histoire - le "pourquoi", la raison pour laquelle Nate et Brenda ne pouvaient plus demeurer proches. Je n'ai pas cautionné cela. Laissez-moi simplement dire cela." Plus tard, dans la conversation, Krause dit ceci : "Je pense que la chose que j'ai préférée dans cette série, c'est la manière de peindre honnêtement l'existence humaine." "Cela s'est fait, ce fut quand SFU fut à son apogée. Je pense que c'est distrayant de regarder un soap-opera, mais quelquefois les lignes directrices de l'histoire me semblent - je ne veux pas dire qu'elles dépassent une limite - tracer un chemin qui paraît moins honnête, dans le but de faire sensation. Ces moments me paraissent toujours moins attrayants parce que je pense qu'ils ne révèlent rien. Je ne sais pas... L'élément de vérité a été perdu. Ce fut décevant parce que c'est ce qui avait été saisi dans les premiers épisodes - les terminiasons nerveuses de la vérité émotionnelle."Ne fut-il pas difficile de se débarrasser des problèmes de Nate, dans la vie réelle ? "Ce fut parfois difficile, concède Krause. Je dirais que j'ai très peu de désir, après SFU, d'interpréter des personnages torturés."Krause est entré dans la quarantaine la semaine dernière. Je lui demande l'effet que cela a produit en lui d'interpréter un personnage qui meurt soudainement à 40 ans."Je n'ai pas vécu mes propres 40 ans avec des arrière-pensées, jusqu'à ce que je fusse obligé de passer 4 jours à fêter mes 40 ans dans la peau de Nate Fisher. Et cela vous amène à vous demander pourquoi les gens donnent tant d'importance aux 40 ans. J'en suis arrivé à la conclusion que c'est parce que tout le monde se donne environ 80 ans à vivre et que 40 représente la moitié d'une vie."Oh, mon Dieu, Peter, vous parlez comme... Nate. "Ouais, probablement que j'ai interprété trop longtemps son personnage, plaisante-t-il." Une autre révélation intéressante : Nate était presque en trop. Il y a eu une discussion, dit Peter, selon laquelle Claire serait tuée mais la mort de Nate n'a pas été une surprise. "J'ai appris cette possibilité au cours de la première saison, dit-il. C'est quelque chose qu'Alan Ball voyait comme le point culminant de la série, si l'on peut dire." Dans la vraie vie, la mort de Nate a affecté la famille de Krause et ses amis. "Ce fut difficile pour les gens qui me connaissent de voir ces deux épisodes (la mort et l'enterrement). Je pense qu'ils ont très bien su symboliser l'absence, avec ce trou qui reste béant après le départ de Nate." Krause sera bientôt à Vancouver pour commencer le tournage d'un nouveau film, l'histoire d'un homme qui croit que son voisin est un terroriste. Il cherche à fausser compagnie à Nate Fisher. En fait, l'équipe des acteurs était totalement épuisée quand la série a été terminée de tourner en juin. "Ce fut une série triste et assez dure, dit-il. Nous avons tous appris à nous aimer de plus en plus, parce qu'on nous demandait, à chacun, d'accomplir des choses très difficiles en tant qu'acteurs. Nous nous nous sommes réellement soutenus et encouragés les uns les autres, lors de notre travail sur cette série."Comme il réfléchit à tout cela, finalement on peut lui demander quel était le message de SFU."Si cette série délivre un message, c'est le suivant, dit Krause après une pause: "De toute façon, nous allons tous mourir, alors accommodez-vous au mieux de votre vie." Source : http://www.thestar.com/NASApp/cs/ContentSe...tacodalogin=yes
La genèse de 84 Charing Cross Road.
Correction en date du 24 août 2008 : en reprenant mes pages du début, je suis affligée par la vacuité des débuts de ce JIACO. A l'époque, j'étais encore anonyme sur ces pages et, étrangement, je parlais peu, je n'osais pas...
Ce livre est finalement ce qui m'aura servi de modèle pour mon éducation littéraire.
La suite de 84, traduite en français, chez Payot. J'ai beaucoup aimé mais force est de reconnaître que l'on se sent un peu déçu, parce que Helene Hanff découvre enfin Londres et ses lieux aimés à distance. Il ne faut peut-être pas rendre réel ce qui est imaginaire.
Correction en date du 24 août 2008 : Non, c'est faux. Parfois, le réel est encore plus beau que l'imaginaire. J'en ai fait maintes fois l'expérience depuis l'écriture de cette note.
Célèbre grâce à un livre (et un film) cultes, 84 Charing Cross Road, Helene Hanff, amoureuse des livres et de Londres, est morte dans la pauvreté. A la fameuse adresse, où je me suis rendue en pélérinage, cet été, il y a une pizzeria. Je ne devrais pas le dire, peut-être, parce que cela causera sûrement de la peine à ceux qui, comme moi, ont vécu intensément cette correspondance entre une new-yorkaise fauchée et un libraire londonien, qui lui envoie de "bonnes éditions" de classiques pour quelques dollars. Amitié amoureuse, troublante et triste, silencieuse comme la solitude, de deux êtres séparés par un océan immense. Choc de l'inachevé. Qui peut rester insensible à la prose sans façons de Miss Hanff ? Mais son livre qui m'a le plus remuée, c'est bizarrement un autre livre, non traduit chez nous, Q's Legacy. Q. pour Sir Arthur Quiller-Couch, célèbre professeur, dont L'art d'écrire (non traduit non plus) et d'autres livres a permis à Miss Hanff de découvrir la littérature anglaise, la littérature majuscule, celle qui lui a permis de tenir debout, ainsi que j'aime à le répéter. Je n'ai pas vu le film qui a été tiré de 84 Charing Cross Road. Je n'ai pas osé. Cf. http://www.84charingcrossroad.co.uk/ et surtout http://www.bartleby.com/people/QuillerC.html où l'on peut lire On the Art of Reading et On the Art of Writing et, par conséquent, prendre les mêmes leçons que Helene Hanff.
Il n'aura pas fallu attendre trop longtemps pour avoir la chance de tenir entre les mains le (magnifique) coffret de la saison 4 de cette série admirable.
Je n'ai guère de respect pour la télévision et peu de séries m'ont touchée ou intéressée, mais Six Feet Under fait partie de mes meilleurs souvenirs de télévision.
D'ailleurs, Six Feet Under (Six pieds sous terre) est plus qu'une série télévisée : c'est une œuvre d'art à part entière, un univers bouleversant, où tout est vrai, bien que sublimé par l'inventivité des scénaristes et de la réalisation.
Nous entrons dans l'univers de la famille Fisher, croque-morts de leur état et devenons, soudain, un membre à part entière de ce clan.
La saison 5, la dernière saison, a été diffusée il y a peu aux États-Unis. J'ai eu la chance de la voir et je n'ai jamais ressenti une telle communion avec une œuvre télévisée. Le final est époustouflant. Je n'en dirai pas plus, bien sûr, mais je pense que c'est la meilleure fin possible pour la meilleure série jamais créée.

Il y a quelques années était sorti un livre (qui n'a rien d'un gadget ou d'un produit commercial dérivé), Better Living Through Death, et qui se présente, en quelque sorte, comme un album familial, qui fourmille de détails et d'anecdotes qui rendent encore plus vivants (si cela est possible) chaque membre de la famille Fisher. Je le conserve précieusement, avec les trois précédents coffrets, en attente du dernier.
jeudi 13 octobre 2005
Barrie et Doyle étaient tous les deux écossais, ils étaient issus de l'université d'Edimbourg et aimaient le cricket. Doyle jouait dans l'équipe de Barrie, les Allahakbarries. Ce nom étrange avait pour origine le nom de Barrie, bien sûr, et la phrase arabe qui signifie "Que Dieu nous vienne en aide." Doyle disait de son ami Barrie (qui mesurait environ 1,50 m) : "Rien n'est petit en lui, sauf son corps". En 1892, Barrie est malade, au bord de la dépression, et n'arrive pas à achever d'écrire le livret d'une opérette, qui lui a été commandée. Cet opérette s'appelle Jane Annie ou The Good Conduct Prize. Doyle va l'aider à terminer ce livret. Cf. le résultat à cet endroit. Barrie avait déjà écrit le premier acte et Doyle de dire ceci : "Les idées et l'esprit étaient présents en abondance, mais l'intrigue en elle-même n'était pas solide, bien que les dialogues et les situations fussent excellents. J'ai fait de mon mieux et j'ai écrit les paroles pour le second acte, et la plupart des dialogues, mais je devais me soumettre à la forme qui avait été donnée initialement." Cette opérette fut un cuisant échec. Les critiques la détestèrent et George Bernard Shaw, qui n'avait pas la plume dans sa poche, écrivit ceci : "La plus dévergongée de toutes les pitreries que deux citoyens responsables d'eux-mêmes puissent, selon toute vraisemblance, imposer au public." Les deux hommes ne se laissèrent pas abattre pour autant et Barrie utilisa la trame de cette oeuvre pour écrire une parodie de Sherlock Holmes, intitulée The Adventure of the Two Collaborators. Dans cette histoire, deux hommes rendent visite à Sherlock Holmes et Watson. Leur problème étant le suivant : ils ne parviennent pas à comprendre pourquoi les gens ne viennent pas applaudir l'opérette qu'ils viennent d'écrire !!! L'amitié des deux fut sans faille. Leur seul sujet de désaccord fut les croyances occultes auxquelles adhérait Doyle et dont Barrie ne voulait pas entendre parler - ce qui prouvera, si besoin était, que Barrie était un réaliste pur et dur, et certainement pas l'homme farfelu que l'on s'imagine. Doyle est mort sept ans avant Barrie, en 1930, et ce dernier dit de lui : "J'ai toujours pensé qu'il était l'un des meilleurs hommes que j'aie connus; il ne pouvait y en avoir de plus droit et honorable que lui."
mercredi 12 octobre 2005
Un de mes écrivains préférés, pour qui je me relève la nuit. J'aime tout de lui. L'affection que l'on porte aux morts ne connaît guère de bouleversements. Avec eux, je me sens en sécurité : peu de risques d'être déçu. Un film vient de sortir aux States : Capote de Bennett Miller. Il y est question de l'enquête qu'a menée l'écrivain pour écrire De sang froid. Je suis un peu curieuse. http://www.sonyclassics.com/capote/ Je n'aime pas trop que l'on s'attaque à mes mythes. A voir : Murder by Death aka Un cadavre au dessert.
Gilles Deleuze, Logique du sens, Paris, Minuit, 1994. 

Les analyses et interprétations de Deleuze quant à l'oeuvre de Carroll me laissent pantoise, mais admirative. Une citation qui me parle en particulier : « Car le nom propre ou singulier est garanti par la permanence d’un savoir. Ce savoir est incarné dans des noms généraux qui désignent des arrêts et des repos, substantifs et adjectifs, avec lesquels le propre garde un rapport constant. Ainsi le moi personnel a besoin du Dieu et du monde en général. Mais quand les substantifs et adjectifs se mettent à fondre, quand les noms d’arrêt et de repos sont entraînés par les verbes de pur devenir et glissent dans le langage des événements, toute identité se perd pour le moi, le monde et Dieu. C’est l’épreuve du savoir et de la récitation, où les mots viennent de travers, entraînés de biais par les verbes, et qui destitue Alice de son identité. Comme si les événements jouissaient d’une irréalité qui se communique au savoir et aux personnes à travers le langage. Car l’incertitude personnelle n’est pas un doute extérieur à ce qui se passe, mais une structure objective de l’événement lui-même, en tant qu’il va toujours en deux sens à la fois, et qu’il écartèle le sujet suivant cette double direction. Le paradoxe est d’abord ce qui détruit le bon sens comme sens unique, mais ensuite ce qui détruit le sens commun comme assignation d’identités fixes. » (pp. 11-12) Ce que je comprends : Le monde et Dieu désignent des « plates-formes » sur lesquelles le sujet peut s’appuyer. Le monde est l’immanence et Dieu la transcendance. La boîte et le couvercle. Le fond et la forme. La matière et l’idée. Moi et non-moi. Le savoir est celui du fixe, du général, de l’éternel, de ce qui est mort peut-être aussi. Moi, Dieu et le Monde sont les trois Idées kantiennes de la raison ; elles sont les piliers, les conditions d’exercice de la pensée. Des identités fixes ou présupposées telles, ou plus exactement un cadre immobile et référentiel pour situer les êtres et les choses à l’intérieur, des abscisses et des ordonnées mentales. Le savoir est « incarné » dans des mots tels Dieu, le monde ou n’importe quel nom désignant une stabilité de surface ou une géométrie dans l’espace. L’incarnation est le processus qui désigne la « corporéisation » d’éléments incorporels, une quête de la chair, réelle ou symbolique (le substantif faisant office de chair dans le monde du langage). Le général est le garant du singulier, ce qui a pour conséquence directe de subordonner toute identité propre, limitée et déterminée, à un ensemble englobant et nécessairement plus vaste, et devient de ce fait un sous-ensemble dépendant. Les « points » par rapport au repère orthonormés n’existent qu’en fonction de cet arrière-plan et le transportent dans leur identité propre, implicitement. Il n’existe pas d’îlot isolé de sens, le monde et le langage forment une toile avec d’innombrables ramifications. L’image de la fonte des substantifs et des adjectifs a un envers, celui de la solidification, celle du langage, de la réification des êtres et des choses par le nom. Le flux du devenir est aussi celui du sang qui coule dans nos veines et nos artères. Les veines vont au cœur, les artères partent du cœur, de même l’homme va au monde et Dieu part du monde. Avoir une identité, c’est être et ne pas devenir, à cause du paradoxe attaché au temps, durer et durcir. Comment un événement peut-il aller dans deux sens à la fois ? Nul besoin d’être bigleux, de voir double pour le comprendre : tout ce qui est oscille immédiatement entre le déjà-plus et le non-encore. La distinction du bon sens et du sens commun est celle de la fonction et du résultat. Le bon sens est unique puisqu’il permet, selon la définition cartésienne, de distinguer le vrai d’avec le faux, le sens et le non-sens, il ne saurait se dédoubler en opposés. Le sens commun, lui, s’il s’applique à une multiplicité d’objets, n’en suppose pas moins une opinion identique et unique sur ces objets-ci. Or, si les identités sont floues et mobiles, plus rien ne retient les opinions et le sens commun… Le verbe indique une action et il subit les déclinaisons du temps quand le nom propre reste invariable. Suffirait-il de demeurer immobile ou de faire la planche pour avoir une identité ? Non, car il m’arrive(ra) fatalement des choses, des événements et ceux-ci m’appartiennent, que je le veuille ou non. Le paradoxe est en moi en tant que je suis sujet actif ou passif d’un verbe. Cette irréalité de l’événement ne l’est que par l’inadéquation d’un langage obligatoirement statique et de la logique qui en est issue à un monde en mouvement ou en devenir. Le mot tombe de biais ou de travers sur l’événement qui ne se laisse pas attraper.
Ne vous fiez pas aux apparences. Derrière ce nom se cache l'un des plus grands romanciers américains contemporains, Paul Auster. Il s'agit de son premier roman. Un roman noir, dans la plus pure tradition classique. Tous les ingrédients du genre y sont réunis : le privé solitaire, incapable de concilier les exigences de son métier et sa famille, la femme vénéneuse, la victime, le ou les coupables et l'enquête. Auster / Benjamin fait usage de ces codes classiques avec brio. Le roman est construit sans surprise ou excès, il se détend comme la balle qui sort d'un barillet pour se terminer comme il se doit, sur l'image d'un monde qui revient au calme, après une nuit de "bruit et de fureur". Un roman agréable, fort bien agencé (trop ?), qui porte à la perfection les leçons du roman noir ou du polar, mais qui n'a pas la puissance austérienne de ses successeurs, bien que l'on puisse, ici et là, retrouver l'autre Paul, dans son art de la citation : "(...) j'en étais à ma deuxième tasse de café et je lisais le livre de Donne, Dévotions, que Judy avait sorti la veille de la bibliothèque. Je ne l'avais pas ouvert depuis plus de dix ans et sa puissance m'ébranla. Un passage en particulier me frappa. "Nous avons un linceul dans le ventre de notre mère qui grandit avec nous depuis la conception, et nous venons au monde dans ce linceul, car nous venons chercher une tombe." "(p. 236) Ou encore, dans certaines phrases, qui sont comme sa signature : "Je voulais des faits, rien que la réalité froide et dure, et je comprenais à présent le plus important - que la réalité n'existe pas sans l'imagination pour la percevoir." (p. 253) Auster est "obsédé" par la philosophie qui naît de Locke et se prolonge et se détruit en Berkeley. A lire : Siegfried Kracauer, son remarquable essai sur Le roman policier, Ed. Payot, Coll. Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2001.
vendredi 7 octobre 2005
Il faut vraiment être Barrie pour écrire un discours sur le capitaine Crochet à Eton ! Quel homme merveilleux, ce Barrie ! Quelle tristesse, cependant, ressent-on, en le lisant, sous le vernis de l'humour pince-sans-rire... Les hommes tristes ont toujours su faire pencher mon coeur. Saviez-vous que Crochet se prêtait parfois ce prénom : Jacobus, au lieu de James Hook (sic!) ... et qu'il avait une tante nommée Emily ? Quelques citations amusantes : "Now in my opinion Hook was a good Etonian though not a great one (...)" "At Eton he was a a dry bob, contrary to what one might have expected, as his future was to be on the sea, but, boy or man, he hated the touch of water, and he was always the last to leave his ship." More (and worse ?) to come...
Le bonheur tient parfois à peu de choses ! Aujourd'hui, je viens de recevoir ce livre et je suis en extase ! Pourquoi donc, me demanderez-vous ? Parce que c'est un livre qui rassemble des textes de Barrie et cela justifie tous mes débordements et, d'autre part, à l'intérieur de ce livre, il y a un discours intitulé : "Captain Hook at Eton" ! Cela ne vous dit rien ? More to come...
J'ai relu plusieurs fois ce court texte. Ma première lecture m'indiquait qu'il s'agissait là d'une banale histoire policière, sans grand intérêt, avec un style propre et sans afféteries, une manière d'écrire sans fantaisie, presque presque clinique. J'aurais dû creuser cette impression diffuse consécutive à cette innocente première lecture, qui m'aurait sûrement permis de ne pas ressentir une violente attaque de panique à la fin de ce minuscule roman. Je m'étais fait avoir comme une apprentie-lectrice, qui n'aurait pas la moindre expérience ! Pourtant, je suis rompue, comme vous tous et toutes ici présents, à cet exercice hautement dangereux qu'est la lecture ! J'étais entièrement responsable de l'agitation, pour ne pas dire de la folie furieuse, qui s'emparait de moi. Une seule solution : relire depuis le début l'histoire pour essayer de comprendre, sans avoir la moindre certitude d'avoir le fin mot de l'histoire, et pour cause... Au premier abord, il s'agit d'une série de crimes non élucidés. Secondairement, il s'agit d'un défi de lecture. Troisièmement, il s'agit d'une leçon d'écriture, et donc de lecture, ou vice-versa. Ne vous faites pas avoir par les dehors tout à fait innocents de livre. L'auteur commet un assassinat, le nôtre. Je ne saurais vous en dire plus pour deux raisons : - divulguer ce que je crois avoir compris irait à l'encontre des vœux de l'auteur et, pire, de la mécanique du livre ; - je ne suis pas sûre d'avoir raison et je ne voudrais pas salement vous influencer dans votre enquête, et vous induire en erreur. J'attends avec impatience que de bonnes âmes lisent ce livre, afin de partager avec elles leur avis sur la question. C'est un S.O.S que je lance ici. Deux remarques néanmoins, afin de gagner du temps - ce qui revient à ne pas en perdre : - aucun mot n'est là par hasard ; - l'auteur est un disciple, en quelque sorte, de Perec et compagnie (OULIPO). Pour résumer, c'est le livre le plus stimulant que j'aie lu depuis fort longtemps. Il est presque unique en son genre et constitue une forme de chef-d'oeuvre de perversité. Cf. cet autre billet où je dévoile la solution.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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